culture, il ne se donnerait pas la peine de produire ; qu’il renoncerait à tous les métiers exigeant du temps et de la réflexion s’il n’avait la certitude d’en recueillir les produits ; enfin que, s’il s’arrêtait un instant dans son effort sur la nature, celle-ci redeviendrait sauvage. Il ne peut être contesté, par exemple, que la culture fut, de tout temps, rudimentaire sous le régime de la propriété collective et qu’un village arrivait très difficilement à défricher collectivement l’étendue inculte de son territoire. Laissant de côté les résultats, nous nous bornons à constater que le communisme, en paralysant par la suppression de la propriété privée le libre essor des facultés humaines, remplace l’organisation naturelle de la société par une organisation artificielle : « La société est une organisation qui a pour élément un agent intelligent, moral, doué de libre arbitre, perfectible[1], » ou elle n’est pas.
Cependant, dès que l’homme ne travaillera plus pour lui-même, mais pour la communauté qui lui commandera son travail, il faudra, pour empêcher la richesse et la pauvreté de renaître sous une forme quelconque, proscrire l’inégalité des salaires. Ce premier pas fait, comme l’ouvrier habile ou robuste ne se soucierait pas de dépenser pour autrui toute la force de ses bras, toute la fécondité de son intelligence, il deviendra nécessaire de le surveiller. On arrive par là même, ainsi que l’a fait ressortir M. Thiers[2], à « faire travailler sous les yeux les uns des autres les membres de la société nouvelle ». Il faudra donc forger une nouvelle chaîne, c’est-à-dire fonder l’obligation perpétuelle, universelle, inexorable du travail en commun. Mais si l’on accorde ensuite, après la remise des salaires, même égaux, la jouissance en particulier, l’hydre va renaître, parce que l’ouvrier sobre et laborieux sera certainement tenté, soit d’économiser pour sa famille, soit de prévoir pour son propre compte la maladie ou le chômage et de se réserver un pécule. Comme on ne déracinerait pas ce penchant, et comme on ne peut pas mettre incessamment une légion de surveillans aux trousses des travailleurs, la jouissance en commun devrait évidemment succéder au travail en commun. Quiconque mangerait hors de la table commune ou s’habillerait hors du magasin général serait un délinquant. Nous assisterions à l’établissement de la plus effroyable tyrannie que l’imagination puisse concevoir, mais toute accumulation secrète conduit à la formation d’un capital et, pour empêcher un tel abus, il n’est pas de sacrifice auquel on ne se résigne.