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de plus de vingt ans, sans distinction de sexe, dans toutes les élections et dans tous les votes, mais encore « la suppression de toute limite des droits politiques, sauf aux personnes sous tutelle : la législation directe par le peuple au moyen du droit d’initiative et de veto ; l’autonomie administrative du peuple dans l’empire, l’Etat, la province et la commune ; l’élection des fonctionnaires par le peuple ; l’abolition de toutes les lois qui bornent et oppriment la libre expression de l’opinion ; le droit d’association et de réunion ; l’abolition de toutes les lois qui, au point de vue du droit public et privé, subordonnent la femme à l’homme, etc. »

Nous nous proposons de montrer que le socialisme aboutit, par l’établissement de la tyrannie économique, à la suppression de toutes les libertés.


I

Il en est ainsi, sans nul doute, du communisme proprement dit.

Le Manifeste de 1814 (Das kommunistische Manifest), œuvre fondamentale de Karl Marx, énonce trois propositions essentielles. La première et la plus importante est ainsi conçue : « Suppression de la propriété privée, qui n’existe, pour le petit nombre, qu’à condition de ne pas exister pour la foule. » Comme tout le monde ne peut pas être propriétaire, personne ne doit l’être. M. P. Lafargue exprimait la même pensée sous une autre forme, en mai 1892, dans une conférence faite à l’hôtel de la Société de géographie : « Le prolétariat, maître des pouvoirs de la commune et de l’Etat, imitera l’exemple que lui a donné la bourgeoisie au siècle dernier ; après avoir exproprié politiquement la classe capitaliste, il l’expropriera économiquement ; il socialisera la propriété capitaliste : alors il y aura non seulement mise en commun des moyens de production, mais encore mise en commun des moyens de jouissance. » En Australie, dans les colonies de Victoria et de la Nouvelle-dalles du Sud, dominées par les radicaux socialistes, les Chambres ont été saisies de propositions tendant à faire passer la terre, par voie d’expropriation, dans les mains de l’Etat.

Supprimer la propriété privée, c’est tarir la source même de toute liberté dans la race humaine. L’homme naît assurément propriétaire non seulement de ses membres, mais encore de son esprit. Il a reçu ses facultés variées et puissantes pour les employer. C’est violer audacieusement la loi de sa nature que de lui lier les pieds et les bras ou de condamner son intelligence à l’éternelle torpeur. Mais s’il emploie ces facultés, c’est d’abord, selon toute