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Il serait difficile de dire ce qui, dans cet écrit, est plus curieux, des demandes ou des réponses. On voit que, sur beaucoup de points, l’empereur avait sur la France des données qui n’étaient malheureusement que trop justes. Quant aux réponses de M. de Talleyrand, si elles ne sont pas toutes également sincères, elles sont toujours précises, adroites, telles que la situation les lui commandait. Mais je me trompe fort, ou il est permis de trouver que la scène du lambris, et le récit de ses attitudes de tête, que ses gestes sentent trop le comédien. Je ne puis m’empêcher d’y trouver un manque de gravité tout à fait regrettable ; ce n’est pas ainsi que se révèlent les caractères élevés dans la discussion des grandes affaires.

La relation de M. de Talleyrand se terminait ainsi :


Votre Majesté voit que notre position ici est difficile ; elle peut le devenir chaque jour davantage. L’empereur Alexandre donne à son ambition tout son développement ; elle est excitée par M. de La Harpe et par le prince Czartoryski : la Prusse espère de grands accroissemens ; l’Autriche pusillanime n’a qu’une ambition honteuse, mais elle est complaisante pour être aidée : et ce ne sont pas là les seules difficultés. Il en est d’autres encore qui naissent des engagemens que les cours autrefois alliées ont pris dans un temps où elles n’espéraient point abattre celui qu’elles ont vu renverser, et où elles se promettaient de faire avec lui une paix qui leur permit de l’imiter.

Aujourd’hui que Votre Majesté, replacée sur le trône, y a fait remonter avec elle la justice, les puissances au profit desquelles ces engagemens ont été pris ne veulent pas y renoncer, et celles qui regrettent, peut-être d’être engagées ne savent comment se délier. C’est, je crois, le cas de l’Angleterre, dont le ministre est faible. Les ministres de Votre Majesté pourraient donc rencontrer de tels obstacles qu’ils dussent renoncer à toute autre espérance qu’à celle de sauver l’honneur : mais nous n’en sommes pas là.


Tout cela a été écrit le 4 octobre ; il n’y a pas une des ex pressions de cette dépêche qui ne mérite d’être soigneusement pesée. On trouve dans leur ensemble l’exposé de la situation générale des affaires et une indication fort claire de toutes les vues auxquelles M. de Talleyrand comptait s’attacher, que sans doute il avait fait adopter au roi avant son départ de Paris.

La note aux plénipotentiaires des quatre cours alliées leur avait probablement causé quelque embarras, car la conférence annoncée n’eut point lieu au jour indiqué ; elle fut remise plusieurs fois de suite. Pour sortir du défilé dans lequel on se trouvait, engagé, sans rompre avec personne, on adopta, comme cela arrive presque toujours, un terme moyen. Le 8 octobre, parut une déclaration au nom des cours signataires du congrès de Paris. C’était déjà beaucoup pour M. de Talleyrand d’avoir obtenu que la première pièce officielle paraissant dans le congrès émanât des plénipotentiaires de ces huit cours ; cela écartait l’espèce de