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LES JUIFS SOUS LA DOMINATION ROMAINE.

exempts de reproche. La popularité les portait ; on leur prêtait la pensée de venger la mort de leur mère ; cette pensée, ils l’avaient sans doute. On prétendait que, quand ils voyaient sur des femmes de leur père des vêtemens qui avaient appartenu à Mariamne, ils s’emportaient, leur disaient qu’on leur arracherait ces belles robes, qu’elles iraient vêtues de sacs. Le crime engendre le crime. Il est sûr que l’œuvre d’Hérode courait le plus grand danger qu’elle eût rencontré jusque-là. La famille asmonéenne une fois rétablie, le fanatisme qu’il avait comprimé allait reparaître ; son règne aurait été non avenu.

Hérode dissimula d’abord ; il fit épouser à Aristobule Bérénice, fille de Salomé ; à Alexandre, Glaphyra, fille d’Archélaüs, roi de Cappadoce. Les jeunes princes devinrent plus imprudens. Pour apaiser leur orgueil, Hérode donna une haute place à la cour à Antipater, fils de Doris, sa première femme, qui jusque-là avait été tenu à l’écart. Il ne cachait pas qu’il le destinait au trône après lui ; il le présentait à Auguste et à Agrippa comme devant être son successeur.

L’an 12, le vieux roi prit un parti décisif ; il se rendit en Italie avec Alexandre et Aristobule, pour les accuser devant Auguste. Il trouva ce dernier à Aquilée. Auguste fut plein de tact. Sur un signe de lui, les deux fils de Mariamne tombèrent aux pieds de leur père, qui leur ouvrit les bras. Antipater feignit de prendre part à l’émotion générale ; Hérode donna trois cents talens pour les largesses qui se firent lors de l’inauguration du théâtre de Marcellus ; tous revinrent en Judée.

Les intrigues de cour reprirent de plus belle. Les femmes, les eunuques, les valets s’en mêlèrent. Ce brillant palais de marbre devint un enfer. Les tortures se succédaient sans trêve, appliquées à tort et à travers, sur le moindre soupçon. Hérode, par momens, paraissait fou ; il poussait des cris terribles durant son sommeil. Les malheureux mis à la question mouraient presque tous. On fabriqua des fausses lettres. Dans ce feu croisé d’intrigues et de délations, le grand prêtre Simon, fils de Boëthus, fut destitué et remplacé par Matthias, fils de Théophile, qui appartenait, au moins par ses alliances, à la famille de Boëthus.

Si, dès ce moment. Hérode ne fit pas subir à ses fils le sort de leur mère, c’est que deux gros embarras l’arrêtèrent. Archélaüs, roi de Cappadoce, vint à Jérusalem pour défendre sa fille et son gendre, et calma un peu les choses. D’un autre côté, Hérode, vers le même temps, encourut assez sérieusement la disgrâce d’Auguste, pour une expédition contre les Arabes, où l’on ne voit pas bien quels furent les torts du roi. Nicolas de Damas, en cette cir-