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dernières émeutes de Sicile y rendent la situation assez critique pour l’administration : il faut, avant tout, s’occuper de la fortune de l’Italie, pour la restauration de laquelle M. Crispi, dans son manifeste, vient de solliciter des partis en présence la trêve de Dieu.

Ce manifeste est plein d’onction, le cœur y déborde, mais le but s’y précise peu. Le président du Conseil dit que le temps presse ; il appelle tout le monde à collaborer avec lui, mais il ne dit pas pour quoi faire. Des deux systèmes entre lesquels on doit choisir, à Montecitorio, pour remettre en ordre les finances : grosses économies et petits impôts, ou gros impôts et petites économies, il semble bien que ce soit pour le dernier que penche M. Crispi, d’accord avec le roi Humbert, qui, décidément, tient au panache, quelque dangereux que ce panache puisse être un jour pour sa couronne. — « Le pays ne les paiera pas, » a crié l’extrême gauche à M. Crispi, lorsqu’il a parlé de la nécessité de nouvelles taxes. — « Il les paiera, » a riposté le ministre, en frappant vigoureusement du poing sur son banc.

Un vote important, émis par la Chambre italienne avant de prendre ses vacances, a permis de constater que la majorité ministérielle ne serait guère que d’une vingtaine de voix. C’est dire qu’elle est à la merci d’une surprise, et si l’année prochaine devait voir une dissolution, on s’apercevrait peut-être d’une certaine divergence de vues entre la nation et la maison royale, jusqu’à présent si populaire. Pourtant les associés officiels des Italiens, ceux qui sembleraient intéressés au maintien de leur armée sur le pied le plus imposant, les Autrichiens et les Allemands, sont les premiers à leur donner le conseil de se restreindre. Les alliés ne cachent pas, puisque l’acte d’alliance en vigueur ne contient aucune disposition relative à l’effectif de l’armée italienne, qu’ils préféreraient infiniment une Italie prospère, avec quelques corps d’armée de moins, à une Italie dont les arsenaux soient pleins et les coffres vides.

Au même temps où éclatait à Rome la crise dont nous venons de parler, un changement plus modeste se produisait, à Belgrade, dans le ministère serbe. Il était provoqué par le départ volontaire de M. Dokitch, que sa santé tenait, depuis quelques mois déjà, éloigné des affaires, et qui vient de mourir aux eaux d’Abbazia, sans avoir eu la satisfaction de mettre fin aux querelles intestines de ses concitoyens. Les dernières élections municipales marquent en effet la scission, au sein du parti radical, des intransigeans et des modérés soutenus par le ministère. La présidence du Conseil a été dévolue au général Grouitch, le second et l’homme de confiance du défunt premier ministre, dont la nomination a été bien accueillie par la Skoupchtina.

Deux questions s’imposent à l’attention du gouvernement serbe : le procès politique contre l’ancien ministère libéral Avakoumovitch, dont les débats viennent de s’ouvrir devant la haute cour de justice, et