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majorées dans leurs successions, éviter la ruine en se restreignant et en exploitant à meilleur marché.

Et quoique la ligue agraire ait adressé au premier ministre de l’empereur Guillaume un manifeste, développé par les journaux conservateurs en des termes plus arrogans que jamais, sauf en 1848, les partis politiques n’en avaient employé vis-à-vis du gouvernement, les traités de commerce, soumis au Reichstag par le chancelier, n’en ont pas moins été votés, grâce à l’appui inattendu des socialistes. M. de Caprivi leur a dû sa victoire et le Reichstag leur a dû la prolongation de son existence : car, si les traités dont il s’agit eussent été repoussés, un nouveau décret de dissolution était prêt et le souverain allait en appeler, une fois encore, du Parlement aux électeurs.

Ces agrariens, ces gentilshommes, dont plusieurs sont en même temps fonctionnaires prussiens et chefs de l’administration locale, — ce qui ne les a pas empêchés de mener la campagne contre le chancelier avec une violence toute démagogique. — essaient d’expliquer l’attitude de M. de Caprivi parce fait qu’il ne possède « ni un arpent de terre, ni un épi » : il n’en demeure pas moins que la nouvelle politique impériale est favorable aux progrès économiques de l’Allemagne. On nous permettra de faire observer ici que l’un des gros argumens de nos compatriotes, en faveur du système commercial, inauguré en 1892, était l’exemple de l’étranger, qui partout, disait-on, devenait notoirement protectionniste et ennemi de tout traité. Eh bien ! ce qui a pu être vrai en 1888 et 1889 ne l’est plus aujourd’hui. Il n’est question que d’abaisser les barrières imprudemment élevées par les nations les unes contre les autres.

L’Espagne est en train de mettre en vigueur des traités de commerce avec la plupart des puissances. M. Crispi s’accuse et s’excuse d’avoir dénoncé le traité franco-italien, lors de son premier ministère, et se verrait heureux qu’il lui fût donné quelque moyen de reprendre la conversation. On s’aperçoit aujourd’hui en France que ç’a été une faute de repousser le traité avec la Suisse qu’on a ainsi livrée aux produits allemands. La Russie a traité depuis deux ans avec la presque totalité de l’Europe, sauf avec l’Allemagne, où les négociations actuellement poursuivies seront certainement couronnées de succès. L’Allemagne elle-même a fait machine en arrière et signe des conventions avec ses voisins. Et tandis que tous ces traités ont naturellement pour objet, par des concessions réciproques, de favoriser les échanges intereuropéens, les États-Unis, qui avaient poussé le protectionnisme jusqu’à la férocité, sont à la veille de réviser le tarif Mac-Kinley, dont il ne restera bientôt plus qu’un souvenir.

En se réunissant, le mois dernier, le Reichstag se trouvait en présence de deux ordres de travaux distincts : la réforme fiscale de M. Miquel, l’œuvre économique de M. de Caprivi. Cette dernière obtint