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LES JUIFS SOUS LA DOMINATION ROMAINE.

Ses relations avec Rome continuaient d’être excellentes, Hérode ne cessa jusqu’au bout de posséder les bonnes grâces d’Auguste. La position d’un rex arnicas atque socius n’était pas toujours commode : ces pauvres rois, hors de leur royaume, à Rome surtout, avaient bien des couleuvres à avaler. Là, dépouillant la pourpre et le diadème, ils n’étaient plus que de simples cliens. On les voyait, vêtus de la toge, entourer le César et s’empresser de lui rendre les plus bas offices. Les gens comme il faut, à Rome, n’avaient pour ces reges aucune estime. Dans leurs États, au contraire, ils étaient tout. Ils avaient sur leurs sujets droit de vie et de mort, et Rome, contente de sa suzeraineté, s’immisçait rarement dans leurs affaires intérieures. Leur pouvoir n’était pas par lui-même héréditaire. Pour obtenir qu’il le devint, ils étaient obligés de redoubler de bassesses et de cadeaux.

Les reyes socii n’avaient pas le droit de battre des monnaies d’or ; rarement on leur permettait la monnaie d’argent. Hérode n’émit jamais que de la monnaie de cuivre. On s’étonne de cette infériorité ; car, par ailleurs, sa situation ne fit que grandir. En l’an 20, Auguste vint en Syrie, et Hérode alla lui faire sa cour. En 18 ou 17, il alla à Rome voir ses deux fils Alexandre et Aristobule, qui y faisaient leur éducation ; Auguste lui permit de les ramener avec lui en Judée. Il fit encore deux voyages près d’Auguste en 12 et 10.

Hérode fut aussi toujours le courtisan assidu d’Agrippa. Pendant le séjour d’Agrippa à Mitylène (28-21 av. J.-C.), il lui rendit visite. En l’an 15, Agrippa vint en Judée, offrit une hécatombe au temple de Jérusalem et donna un festin aux Hiérosolymites. La foule fut enchantée de sa piété, et le reconduisit jusqu’à la mer en lui jetant des fleurs. En l’an 14, Hérode fait une nouvelle visite à Agrippa ; il traverse avec lui toute l’Asie Mineure, ayant en sa compagnie Nicolas de Damas. Les Juifs d’Ionie vinrent se plaindre à Agrippa qu’un les gênât dans l’exercice de leur religion, en particulier dans l’envoi des sommes à Jérusalem. Hérode fit plaider pour eux devant Agrippa par Nicolas de Damas, et ils obtinrent gain de cause.

Ces empressemens étaient largement récompensés. Hérode devenait de plus en plus puissant. Son domaine reçut de notables accroissemens, par suite de la faveur d’Auguste et d’Agrippa. Le tyran Zénodore, qui s’était formé, dans le nord du lac Houlé, à Panéas, dans la Batanée, la Trachonitide et le Hauran, un domaine assez étendu, encourageait d’une façon déplorable le[1]

  1. Suétone, Aug., 60.