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Dans le cours du IXe siècle, les Sarrasins, devenus maîtres des îles de Rhodes, de Chypre, de Crète et de la Sicile, y introduisirent la canne à sucre, dont la culture et la préparation leur étaient familières. Déjà les royaumes de Valence, de Grenade et de Murcie, en Espagne, en avaient dû la naturalisation à la conquête qui venait d’en être faite. Les plantations s’y étaient conservées au point qu’en 1664 elles avaient encore de l’importance, et qu’à présent quelques-unes subsistent encore et qu’entre Alméria et Malaga elles se multiplient.

Ce fut vers la fin du XVe siècle que les Vénitiens inventèrent le procédé du raffinage, aujourd’hui porté à un tel degré de perfection. Ce fut en 1520 que la culture de la canne à sucre fut introduite aux Antilles. Un siècle plus tard, le sucre valait encore 3 francs à 3 fr. 50 le kilogramme ; en 1775, la production totale ne dépassait pas 245 millions de kilogrammes, dont 30 millions fournis par Cuba et Puerto-Rico, 80 millions par les Antilles anglaises, 83 millions par les Antilles françaises. Ces chiffres allaient promptement s’accroître et les prix rapidement baisser. En 1836, Cuba seule produisait déjà 110 millions de kilogrammes et les plantations de la Louisiane, alors à leur début, 60 millions. Mais ces plantations ne devaient pas suffire aux besoins des États-Unis. La population y augmentait dans une autre mesure que la capacité, de production, laquelle atteignait son maximum en 1861 : 460 000 barriques ; force était de demander, en 1891. 1 741 738 611 kilogrammes de sucre à l’importation pour combler l’écart entre la production et la consommation. Par sa position géographique, Cuba, devenait, dès 1860, le principal marché producteur des États de l’Est, et sa récolte sucrière oscillait entre 600 000 et 750 000 tonnes à l’année, alors que celle de la Louisiane n’excédait pas 145 000.

On vit alors se produire, à Cuba, le même phénomène qu’aux îles Havaï. L’or américain affluait, créant, commanditant les plantations et les usines, renouvelant l’outillage agricole, facilitant l’introduction de machines perfectionnées, remplaçant les moteurs primitifs, bœufs et mules, par la vapeur, donnant une prodigieuse impulsion à cette industrie nouvelle qui allait, elle aussi, se heurter à une redoutable concurrence ; « En 1830, écrit M. Castonnet des Fosses, dans son compte rendu d’une intéressante conférence faite à la Société de géographie de Lille, Cuba exportait à peine 100 millions île kilogrammes de sucre ; en 1870, on en exportait 900 millions, et à ce chiffre il faut ajouter ceux que pouvaient représenter le rhum et le tafia. La colonie jouissait d’une prospérité inouïe. À l’heure actuelle (1885), cette source de richesses a diminué dans de notables proportions. L’insurrection a eu pour