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tratado como si fuera Gallego, « on m’a traité comme un Galicien. »

Le Galicien a émigré à Cuba par familles, apportant, outre ses bras robustes, un petit pécule, l’employant à acheter de la terre, habile à la mettre en valeur, à lui faire rendre son maximum de produit. Il est fermier, dur au travail, énergique et tenace, amoureux de son indépendance, réfractaire au joug que l’Espagne fait peser sur lui, mais réfractaire aussi à toute annexion aux États-Unis. Ce à quoi il aspire, c’est à l’autonomie cubaine ; si l’Es pagne perd Cuba, elle le devra surtout aux Galiciens, mais si Cuba n’est pas américaine, si les tentatives des flibustiers et les incitations des États du Sud n’ont pas réussi à faire de l’île un territoire de la grande République, c’est à la sagesse du gouvernement fédéral et à la résistance de l’élément galicien que l’on doit d’avoir évité ce résultat.

Entre l’élément galicien et l’élément canariote, les affinités sont nombreuses. Comme le Galicien, le Canariote est agriculteur, fermier, éleveur de bétail, guarijo ou blanco de la tierra, appellation commune à tous deux et qui correspond à celle de « petit blanc » des créoles. Originaire du sol volcanique et montagneux des îles Canaries, qui furent « les îles Fortunées » de Strabon, les Hespérides « aux fruits d’or » qu’habitaient les filles d’Atlas et où débarqua Hercule, le Canariote est, lui aussi, robuste et prolifique, par surcroît bienveillant et doux, de mœurs simples et religieuses. Bien que la partie productive du sol des Canaries soit restreinte et la population dense et pauvre, les rixes, les querelles, les actes de violence y sont rares et le tableau de leur criminalité est l’un des moins chargés de l’Espagne. Sous ce rapport comme sous beaucoup d’autres, les îles Canaries méritent encore leur nom primitif d’îles Fortunées.

À ces élémens ethniques et permanens de la race blanche, se juxtaposent le nègre et le mulâtre. Si l’on ne retrouve pas chez eux les haines invétérées des anciens esclaves des Antilles contre les blancs, cela tient à ce que les nègres de Cuba ne descendent pas, sauf de rares exceptions, d’Africains enlevés par les traitans sur les côtes et vendus par eux aux planteurs coloniaux, mais de captifs autrefois transportés en Espagne et depuis longtemps familiarisés avec la servitude, quand, au XVIe et au XVIIIe siècle, ils suivirent leurs maîtres à Cuba. Puis, ici, ils ne furent jamais en majorité, et, enfin, au changement, ils ne perdaient rien ; le joug qu’ils subissaient était moins pesant, le climat moins rude, le labeur moins assujettissant. Par les mulâtres, résultat du croisement, ils se rapprochaient de la race blanche, et aussi par la classe, plus nombreuse qu’on ne croit, des « faux blancs », race imbue, elle aussi, des préjugés de couleur, mais s’efforçant de les atténuer