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nous l’avons déjà dit, il n’osait s’avouer. Quand il voulait agir, il était obligé de se mettre derrière les pharisiens.

Chose singulière, Hérode trouva souvent les pharisiens assez traitables. Ces rigoristes firent au « demi-juif » une guerre moins vive qu’ils ne l’avaient faite à leurs souverains nationaux, Jean Hyrcan, Alexandre Jannée. Durant son long règne, ils s’occupèrent à peine de lui, tant ils étaient absorbés par la Loi et avaient peu de souci du pouvoir temporel. Les deux plus connus des pharisiens, Pollion et Saméas (Schemaïa et Abtalion), avaient, pendant le siège, conseillé de lui ouvrir les portes. On se rappelle que Saméas avait d’abord montré contre Hérode une grande fermeté. Mais bientôt les deux docteurs virent dans la victoire le doigt de Dieu et conseillèrent la résignation. Le parti pharisien admit en quelque sorte deux mondes, séparés par une cloison : le monde juif légal et le monde de la cour, pour lequel la Loi n’existait pas, surtout quand on pouvait invoquer la raison d’État, Hérode, dès que la politique est en cause, n’est plus Juif ; ses mœurs sont purement et simplement celles d’un Grec et d’un Romain[1].

Les restes de la maison asmonéenne donnaient à Hérode bien plus d’embarras. Les descendans des dynasties légitimes deviennent des fléaux quand la déchéance les a frappés. Ces embarras étaient d’autant plus graves qu’ils pénétraient jusque dans l’intérieur de sa propre famille. Il avait épousé Mariamne, à la fois petite-fille d’Aristobule II par son père Alexandre, et de Hyrcan II par sa mère Alexandra. Cette dernière des Asmonéennes est le seul caractère qui repose un peu l’historien au milieu de tant d’horreurs. C’était une princesse d’une rare beauté, irréprochable dans ses mœurs, de la mine la plus imposante, digne et fière, courageuse et altière, respectant son nom et sa naissance, mais se créant beaucoup d’ennemis, surtout dans la famille de son mari, par son caractère entier et absolu. Hérode l’adorait, mais n’était pas heureux avec elle ; car elle faisait peu de chose pour gagner ses bonnes grâces. Alexandra, sa mère (fille de Hyrcan II), était une femme méchante, intrigante et lâche ; elle ne cessait de faire à son gendre la plus ardente opposition. Tout ce monde féminin était au plus mal avec Cypros, mère d’Hérode, et Salomé, sa sœur. Les scènes étaient perpétuelles ; des tragédies étaient à prévoir.

Hyrcan II, prisonnier chez les Parthes, désirait son retour à Jérusalem ; Hérode le désirait aussi, pour être plus sûr de lui. Hyrcan rentra donc et fut d’abord avec le nouveau roi dans la

  1. Esclaves mis à la torture, etc.