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niais, de figure assez agréable, mais lourd, embarrassé, et, en outre, sujet à des attaques d’épilepsie. Il avait vingt-deux ans, en 1792, lorsqu’il épousa cette petite infante de treize ans. Et c’est sans doute en considération de l’âge de leur fille que ses beaux-parens lui demandèrent de rester près d’eux quelque temps encore. Il s’y résigna : ajournant l’étude de la flore de Parme, il se mit à étudier celle de la Castille et de l’Estramadure. Il parcourait ces provinces en compagnie de sa petite femme, regrettant seulement que l’étiquette espagnole ne lui permît point d’herboriser avec autant de liberté qu’il aurait voulu. « Je l’aimais bien, a raconté plus tard Marie-Louise, j’aimais bien aussi mes parens, et ces premières années de notre mariage furent les plus heureuses de toute ma vie. » En 1801 elle eut un fils, Charles-Louis, qui fut tenu sur les fonts baptismaux par son grand-père le roi d’Espagne.

Elle était à peine remise de ses couches lorsque Napoléon, pour la première fois, s’empara de sa destinée. Par le traité de Madrid, du 21 mars 1801, il décida « que le duc de Parme résignait à jamais, pour lui et ses héritiers, le duché de Parme avec toutes ses dépendances, en faveur de la République Française ; que le grand-duc de Toscane résignait également son duché ; et que ce duché serait donné au fils du duc de Parme en indemnité des pays cédés par l’Infant son père. » Le mari de Marie-Louise était ainsi transplanté de Parme à Florence, avec le titre de roi de Toscane, titre qu’un caprice de Napoléon changea plus tard en celui de roi d’Étrurie. Le jeune couple eut donc à quitter l’Espagne, pour se rendre en Italie : le Premier Consul lui enjoignit en outre d’avoir à passer par Paris.

Ce voyage à Paris n’apparaissait pas précisément au prince Louis et à sa femme comme une partie de plaisir : la vérité est qu’il les terrifiait : et la malheureuse petite reine se rappela toute sa vie l’angoisse qu’elle en avait eue. « Quelques jours avant notre départ de Madrid, écrit-elle dans ses Mémoires, le prince de la Paix, étant venu nous faire visite, nous dit que nous devions de toute nécessité aller à Paris, attendu que le Premier Consul tenait à voir quel effet produirait en France la présence d’un Bourbon. Cette nouvelle acheva de nous épouvanter : nous tremblions à l’idée de cette expérience qu’on voulait faire à nos dépens, dans un pays où notre famille venait d’être si odieusement massacrée. » Mais il fallut se résigner. On partit de Madrid le matin du 21 avril. À la frontière, l’escorte espagnole fut congédiée, et remplacée par un général français avec une poignée de soldats.

Après un voyage à marches forcées, qui ressemblait davantage à un convoi de prisonniers qu’à une promenade royale, le roi de Toscane et sa jeune femme entrèrent à Paris, dans une veille calèche du temps de Philippe V, que traînait une mule. Ils allèrent loger à l’ambassade