Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/911

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il faut combattre quand on est attaqué. Aussi ai-je toujours le vieux sabre tunisien à ma portée. Un de nos généraux a découvert un plan des Anglais, qui consiste à débarquer de nuit une troupe de chenapans triés à choix à 14 milles au-dessous d’Alexandria, et à les envoyer mettre le feu à la maison du président et aux édifices publics. Cela ne me fait pas trembler, mais j’éprouve un sentiment pénible à la pensée que l’amiral peut au premier jour m’expédier un mot pour m’aviser qu’il va venir me saluer dans mon salon… »

L’attaque sérieuse des Anglais contre la capitale des Etats-Unis n’eut lieu toutefois que l’année suivante en août, quand Napoléon avait depuis plusieurs mois déjà abdiqué à Fontainebleau.

Une semaine avant l’entrée de l’ennemi dans le village fédéral, Monroe, secrétaire d’Etat, se rendit à cheval à Benedict, petite localité sur le Patuxent, et là, plein de tristesse, assista au débarquement des vétérans des guerres d’Espagne. Sachant combien faibles étaient les préparatifs de la défense, il ordonna dès son retour que tous les papiers publics et les archives de son département fussent enlevés et mis en lieu sûr. On fabriqua aussitôt des sacs que l’on emplit de ces papiers, et on les entassa sur des chariots qui les portèrent à Leesburg, à 35 milles de Washington.

Bien que les Anglais eussent débarqué depuis le 18 à une si faible distance de la capitale, on avait encore à peine le 23 la prescience d’un grand danger. Mrs Madison devait même avoir ce jour-là du monde à dîner. Voici un billet que lui écrit Mrs Jones, la femme du secrétaire de la marine, le 23 août, la veille même de la terrible soirée : « Chère madame, dans l’état présent d’alarme et de préparation au pis qui puisse arriver, j’imagine qu’il sera plus convenable de renoncer au plaisir de votre hospitalité aujourd’hui ; je vous prie donc de nous excuser ; M. Jones est fort occupé aux affaires de son département ; Lucy et moi nous faisons des paquets en prévision d’un départ subit. Si nous sommes réduits à cette nécessité, nous ne savons où aller, et rien n’est prêt pour le transport de nos effets. J’espère sincèrement que nous n’en sommes pas là, mais on peut sérieusement tout craindre. »

On en était là cependant, et la présidente dut songer elle-même au départ. Elle expédia en Virginie des papiers d’Etat, entre autres le manuscrit original de la Déclaration d’indépendance. Puis, lorsque lui arriva la nouvelle que les Américains venaient d’être mis en déroute à Bladensburg, à quelques kilomètres de