une association coopérative dans toute la force du mot ; c’en est bien une au sens vulgaire, mais non d’après la définition qui vient d’être donnée par M. Holyoake. La vraie, pure et pleine société coopérative est celle qui fait du capital un serviteur, un salarié, réduit à la portion congrue, l’intérêt fixe, et qui ne lui laisse aucune part dans les profits, ceux-ci devant être répartis, en raison des salaires ou des services, entre les divers employés, ouvriers et la clientèle même de l’établissement.
Ce n’est pas seulement un vétéran de la coopération pratique, comme M. Holyoake, ce sont les théoriciens et les doctrinaires qui aboutissent à la même formule, sinon pour la période de transition où nous sommes engagés, du moins pour la période définitive qu’ils croient entrevoir.
Un des apôtres les plus enthousiastes de la coopération s’exprime à ce sujet en termes qui ne comportent aucune ambiguïté : « Aussi longtemps que le régime économique est organisé comme il l’est aujourd’hui, dit-il, c’est le capital qui fait la loi et l’ouvrier n’est et ne saurait être qu’un instrument d’une importance après tout secondaire : du jour, au contraire, où l’on suppose un régime économique organisé en vue de la consommation et pour les consommateurs, c’est le nombre qui fait la loi… Le caractère essentiel de la société coopérative, son trait original, révolutionnaire même, si vous voulez, c’est que le capital y est, non point supprimé ou méprisé — Les coopérateurs sont gens trop pratiques pour s’imaginer qu’on peut se passer du capital ou l’obtenir gratis, — mais réduit à son véritable rôle, c’est-à-dire l’instrument au service du travail et payé en tant qu’instrument. Tandis que, dans l’ordre de choses actuel, c’est le capital qui, étant propriétaire, touche les bénéfices, et c’est le travail qui est salarié, — dans le régime coopératif, par un renversement de la situation, c’est le travailleur ou le consommateur qui, étant propriétaire, touchera les bénéfices, et c’est le capital qui sera réduit au rôle de simple salarié[1]. »
Quatre ans après, le même auteur, dans la Revue d’Économie politique qu’il dirige, revenait sur les mêmes idées, sinon avec un aussi exubérant lyrisme, du moins avec autant de précision : « La coopération est pour nous, écrivait-il, non pas simplement une institution destinée à améliorer le sort des salariés en leur permettant de dépenser un peu moins ou de gagner un peu plus, mais
- ↑ Ces derniers mots sont soulignés dans le texte de M. Charles Gide : De la Coopération et des transformations qu’elle est appelée à réaliser dans l’ordre économique, Discours d’ouverture du Congrès international des Sociétés coopératives de consommation, tenu à Paris, au palais du Trocadéro, le 8 septembre 1889, Paris, 1889, pp. 15 et 16.