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auxdits métiers ; ils renverront et excluront rigoureusement toutes personnes d’une habileté, d’une voix ou d’un physique insuffisans. » Chaque association ouvrière était tenue de produire devant les examinateurs « de bons acteurs bien habillés et parlant clairement », à peine de cent shillings d’amende, ce qui ferait plus de mille francs aujourd’hui, de témoignage est du XVe siècle ; mais il en est d’antérieurs qui montrent que, dès le début et jusqu’à la fin, on sut discerner entrer les bons et les mauvais acteurs, et on attacha une grande importance à la prononciation et aux gestes. Le mystère d’Adam, qui est du XIIe siècle, débute par des recommandations aux acteurs : « Qu’Adam soit exercé à répondre juste au moment voulu et qu’il le fasse sans lenteur ni précipitation ; de même pour les autres acteurs, qu’ils parlent d’une manière posée, avec des gestes correspondant aux paroles ; qu’ils n’ajoutent ni ne retranchent aucune syllabe dans les vers ; que leur prononciation soit correcte. » L’amusement de ces exhibitions, le succès personnel des bons acteurs, tirés soudainement de l’ombre où s’écoulait leur vie ouvrière, offraient un si vif attrait qu’on voyait des artisans laisser là leurs outils et devenir acteurs nomades.

Sorti de l’église, le drame eut pour s’étaler toute la ville, et il la remplit tout entière ; ces jours-là In ville lui appartenait, chaque compagnie possédait des chars et des tréteaux (pageants) posés sur des roues et qui figuraient le lieu des différentes scènes de la pièce ; toute la série était représentée intégralement sur les principales places de la ville. Dès qu’une pièce était finie, les chars laissaient place aux suivans et s’en allaient à un autre carrefour où l’on recommençait. Les habitans des maisons voisines se trouvaient de la sorte « aux premières loges » pour bien voir ; aussi dans certaines villes leur faisait-on payer ce privilège. À York, à dater de 1417, on mit les représentations aux enchères et les pièces se jouèrent devant la porte des plus offrans. Dans d’autres cas les tréteaux étaient fixes et toute la représentation avait lieu au même endroit.

La forme des tréteaux roulans variait de ville à ville. À Chester « ces pageants ou chars étaient de forme élevée, comme une maison divisée en deux étages ; celui d’en haut était découvert ; dans celui d’en bas les acteurs s’habillaient : dans celui d’en haut ils jouaient. Les chars avaient six roues. » Dans d’autres cas les tréteaux étaient moins élevés, et des plans inclinés rejoignaient la plate-forme au sol de la place. Un cavalier pouvait ainsi y monter : « Ici Hérode chevauche sur le pageant, puis dans la rue. » (Mystères de Coventry.) D’autres fois enfin la salle d’en haut ne