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personnage si en vue ? La commère de Bath, vêtue de ses plus beaux atours, se rend to pleyes of miracles et lâche de faire des connaissances qui deviendront plus tard des maris. Nicolas cite au charpentier crédule l’exemple de Noé dont la femme ne voulait pas s’embarquer et pour laquelle il eût été sage de construire une arche à part.

Un traité anglais, rédigé à cette époque, contre la représentation des drames pieux montre l’extrême faveur dont ils jouissaient auprès de toutes les classes de la société. L’enthousiasme est si général et si excessif qu’il paraît à l’auteur du traité indispensable de réagir et de combattre (car la question était vivement disputée) les argumens formulés en faveur des mystères. Les œuvres et les miracles du Christ, observe-t-il, n’ont pas été accomplis par lui pour rire, et nous les représentons, nous, pour notre amusement ! C’est se montrer singulièrement familier avec Dieu, qui est en droit de nous dire : « Ne jouez pas avec moi, jouez avec vos pareils ! » Craignons sa vengeance ; « un lord avec qui son domestique prend trop de liberté le tue sur-le-champ » ; la vengeance de Dieu sera pire ; bien que celle du lord fût déjà assez remarquable.


Que répondent à cela les défenseurs des mystères ? Ils répondent que ces représentations sont faites « à l’honneur de Dieu même » ; elles donnent à rélléchir ; on y voit les démons entraîner les méchans en enfer ; on voit la passion du Christ et on en pleure d’attendrissement : car on pleurait et on riait aux représentations sans honte, bruyamment, wepynge bitere teris. De plus, il y a des gens qui ne peuvent se convertir que par des moyens gais, by gamen and pley, et ils trouvent eux aussi leur compte dans ces spectacles. Il faut bien, du reste, que « les gens aient quelques délassemens, et il est préférable ou moins mauvais qu’ils les prennent en jouant des miracles qu’en jouant d’autres sottises, than bi pleyinge of other japis. Enfin, « pourquoi ne serait-il pas permis de représenter en action les miracles de Dieu, puisqu’il est permis de les peindre ?… et ils sont mieux gravés dans les esprits des hommes et mieux rappelés à leur mémoire par des représentations que par des peintures, car celles-ci sont comme un livre mort et celles-là comme un livre vivant. » À ces argumens et à divers autres qu’il expose, comme on voit, en langage singulièrement expressif, l’auteur du traité réplique de son mieux. Ces représentations détournent des devoirs de la vie commune ; des femmes de l’espèce la moins dévote s’y portent en foule et n’y perdent pas leur temps. Leur présence ne retient pas les prêtres mêmes d’y aller : or il leur est expressément défendu