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On en compte 3512 le 16 octobre ; il y en aura 7859 huit jours après. La grève touche à sa fin, il faut semer la terreur. Les discours deviennent de plus en plus enflammés, les explosions suivent de près les lettres de menaces. À Gauchin-le-Gal, village éloigné, au milieu des terres, un ouvrier qui a repris son travail voit sauter sa maison ; à Bruay, quatre explosions successives font redouter une catastrophe ; à Divion, sur une vingtaine d’ouvriers que ce village fournit à Bruay ou à Auchel, quinze avaient repris le pic. Une lettre anonyme les menace de la vengeance des grévistes ; le lendemain, il n’y en a plus que quatre au départ, quatre courageux. Il en est ainsi partout. Le pays gémit sous la terreur. Quand les bandes passent, fenêtres et portes se ferment ; les femmes avec leurs enfans se réfugient dans les caves. Là encore la dynamite les poursuit. À Givenchy-en-Gohelle, près des mines de Lens et de Liévin, deux gendarmes sont attaqués, frappés, l’un d’eux blessé grièvement. Assiégés dans la maison du garde, ils se défendent. Une balle va frapper parmi les assiégeans un pauvre garçon meunier d’une commune voisine qui est la proie des grévistes. Que venait faire ce blanc farinier au sein du pays noir ? Il faut le plaindre, il faut regretter ce douloureux événement, mais ce serait trop que de s’en étonner quand on entend les prédications des envoyés du syndicat. Efforts inutiles, au moment où nous écrivions ces lignes, le 31 octobre, sur une population très exactement de 32869 ouvriers du fond, il n’en manquait plus que 15201. Ce chiffre ira désormais en diminuant si la liberté du travail demeure assurée et surtout si les exploits de la dynamite sont énergiquement réprimés.

Le 3 novembre, il ne restait plus en grève que 7244 ouvriers du fond. Enfin, sous la pression des événemens, le syndical se décide à clore la crise qu’il a suscitée ; il appelle une dernière fois les délégués à Lens, et le 4 novembre, il se résigne à faire voter la reprise du travail ; 38 voix se déclarent pour la reprise et 16 contre ; les délégués des mines où le travail est au complet refusent de prendre part au vote.

Dans le procès-verbal officiel de celle séance, le syndicat renouvelle ses revendications et ses violences ; il y ajoute même des menaces pour l’avenir. « La démonstration, dit-il, est faite une fois de plus que le travailleur n’a nulle amélioration de son sort à espérer, nulle équité à attendre que d’une révolution sociale. Cela nous ne l’oublierons pas. » C’est la culture donnée à la semence répandue par les orateurs parisiens. Qu’en adviendra-t-il de cet appel désespéré ? Les mineurs se laisseront-ils éblouir par le mirage des moissons fantastiques qu’on leur promet ? Ou bien, mieux instruits sur la source des malheurs que la tyrannie de