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en ce moment sert 188 pensions dont la moyenne, est de 571 francs par an. C’est encore 71 francs de plus que ne touchent de leur société les hommes de lettres âgés de plus de 60 ans.


III

Le lecteur qui a bien voulu nous suivre jusqu’ici a pu aisément s’apercevoir que, si les chefs des syndicats avaient usé de leur influence pour empêcher la grève d’éclater, ils l’auraient pu même sans exposer leur éphémère popularité. Ils avaient agité le pays depuis longtemps, ils avaient prodigué les belles promesses, mais ils auraient pu maintenir les réclamations dans les limites tracées par le compromis d’Arras. L’ouvrier croyait sur des affirmations erronées et d’après de faux calculs que son salaire avait non pas précisément diminué, mais ne s’était pas accru dans des proportions adéquates à la production. Rien n’était plus simple, si les hauts personnages du syndicat étaient incapables d’établir des calculs exacts, que de les demander à des comptables experts et avisés qui auraient scrupuleusement scruté les écritures des compagnies et contrôlé tous leurs dires ; elles ne s’y seraient pas refusées, puisqu’elles l’ont offert à plusieurs reprises. Marles, Courrières, Lens et tous les autres charbonnages disent : « Nos livres sont à votre disposition ». Courrières va plus loin, il intente un procès en calomnie et fait porter tous ses registres au tribunal. Lens établit clairement que dans ses puits la moyenne atteint 5 fr. 76 et 5 fr. 80. Il fait observer que l’augmentation de salaire consentie à Arras sur la base de 4 fr. 80 par jour était notablement supérieure au prix ancien, puisqu’elle était calculée sur une période où le travail était de 9 heures au moins et que la présence de l’ouvrier dans les chantiers du fond ne devait plus être que de 8 heures, exactement, 7 heures et demie, si l’on tient compte du temps du repas. En réalité le prix de l’heure payé à Lens, en y comprenant la prime de 20 pour 100, dépasse 0 fr. 80 l’heure. Il n’est pas aisé de rencontrer une industrie manuelle aussi largement rétribuée. Il y a plus : d’un relevé fait sur les livres de la compagnie, il résulte que pendant le mois d’août dernier 863 mineurs de Lens ont gagné de 4 fr. 75 à 5 fr. 75, — 1 242 ont gagné de 5 fr. 75 à 6 fr. 2, — et 103 de 6 fr. 25 à 7 francs. Ces différences résultent surtout de la force et de l’adresse des ouvriers composant une équipe, et aussi du plus ou moins de facilité dans l’extraction. Il est nécessaire de remarquer que « ces chiffres ne donnent pas les gains réels, car ils comprennent le salaire des aides rétribués par les ouvriers à la veine à un faux inférieur, d’après des conventions spéciales que les mineurs ne communiquent pas