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sont épiciers ou maçons. Dans ce nombre de 52 cabaretiers, il en est 25 qui n’exercent plus le métier ou même ne l’ont jamais exercé ; les autres cumulent. Il y a même des étrangers ! On peut se demander à quel titre ces cabaretiers, exclusivement voués à leur commerce, font partie d’un syndicat de mineurs ; la loi n’est-elle pas violée ? Elle l’est certainement, à moins que l’on ne considère le débit de boissons comme une profession annexe. En effet, rien n’est plus étroitement annexé aux mines que le cabaret ; ils pullulent autour des fosses. Nous avons sous les yeux une statistique des cabarets en ce moment ouverts dans la région des mines du Pas-de-Calais. Leur nombre s’élève à 5003 Encore n’y avons-nous pu joindre le nombre de deux centres houillers, Fléchinelle et Ostricourt, non plus que de tous les villages qui leur fournissent des ouvriers. Dans quelques concessions, on voit des rues entières dont toutes les maisons sont occupées par des cabarets, des estaminets et des cafés. On peut tirer de là une conséquence : pour que tant d’établissemens de ce genre puissent subsister, il faut qu’ils attirent à eux beaucoup d’argent.

Le « Congrès des délégués des sections syndicales » s’ouvre le 10 septembre, à Lens, dans la salle Gossart ; 82 délégués sont présens (85 d’après le Réveil). Il est dix heures du matin. M. Basly préside ; il a pour assesseurs MM. Lamendin, secrétaire général, et Evrard, secrétaire général adjoint. Assistaient à la séance, outre les délégués, un millier de mineurs ne prenant point part au vote. Ceux-ci sont relégués au fond de la salle ; ce sont les claqueurs ; les délégués seuls sont assis sur des bancs. Dans l’auditoire figurent quelques délégués du syndicat du Nord, entre autres M. Moche, et le secrétaire général. Tout à l’heure il viendra s’y joindre deux délégués des mineurs belges. M. Evrard procède sérieusement à l’appel nominal des délégués. Conviés successivement à exposer les résolutions prises dans les sections du syndicat général, douze orateurs font entendre leur voix. M. Beugnet, délégué de Béthune, rapporte que sa section ne s’est prononcée ni pour ni contre la grève. Il la votera pourtant si les autres la volent. M. Dilly, de Lens, ne prononce pas un discours ; il apporte seulement une liste de « revendications » dont les principales sont : le double carnet, salaire moyen de 6 francs pour huit heures de travail, plus la prime de 20 pour 100. Il ajoute que les ouvriers de Lens, animés du meilleur esprit, s’engagent à ne reprendre le travail qu’après satisfaction donnée aux « revendications » des autres charbonnages ; enfin il repousse l’arbitrage. Dilly n’est pas un mineur, mais un cabaretier. M. Cadot (Bruay) n’a pas d’hésitation, Bruay veut la grève. Un autre délégué de Béthune, M. Dufour, défend la cause un peu oubliée des ouvriers du jour ; ils