chiffres ronds à 44000 ouvriers, qui s’est mise en grève. Il est nécessaire d’observer que ce chiffre comprend les ouvriers du fond et de la surface ; or, les ouvriers du fond, qui sont exactement au nombre de 32869, se partagent en deux catégories : les « ouvriers à la veine », employés exclusivement à l’abatage de la houille, et les ouvriers chargés des autres services : chargement, roulage, entretien des galeries. Les ouvriers à la veine, ainsi que leurs auxiliaires, sont à peu près les seuls qui fassent, entendre des plaintes et qui formulent des réclamations, mais ils sont les maîtres du travail de tous les autres. Quand ils chôment, tous, soit du fond, soit du jour, doivent chômer. L’ouvrier à la veine est un chef de bande ou d’équipe. C’est lui qui dirige le travail et qui paie ses auxiliaires suivant le tarif établi : c’est lui qui traite du prix de la berline avec le porion : celui-ci le surveille et le contrôle. La berline est un wagonnet sur rails qui contient cinq hectolitres. Le prix de la berline est variable, comme la difficulté du travail l’est elle-même.
Certaines tailles tombent aisément sous la pointe du pic, d’autres résistent, d’autres s’effritent. Il y a des veines épaisses, il y en a de minces ; quelques-unes sont riches, d’autres sont mélangées de pierres et de schistes. Parfois il faut abattre des quartiers de roches pour dégager la houille. On comprend que dans des conditions de taille si variables il soit très difficile d’établir pour la tache un prix inflexible. Aussi les prix diffèrent-ils suivant les fosses et dans les fosses suivant les veines. Le prix est débattu et fixé pour chaque équipe, mais l’ouvrier est libre de ne pas l’accepter. Le porion est un ancien ouvrier qui s’est élevé dans la hiérarchie par son intelligence et son caractère. Les porions d’une fosse ont au-dessus d’eux un chef porion, lequel est lui-même soumis aux ingénieurs. Jamais les prix de chaque taille ne sont offerts par le porion sans que le chef porion et l’ingénieur en aient eux-mêmes pesé l’équité. S’il se rencontre dans la taille des difficultés imprévues, le porion en tient, compte, et si l’ouvrier a des réclamations à faire, il peut les porter au chef porion et même devant l’ingénieur. Le nombre des ouvriers à la veine est d’environ 9200 dans les mines du Pas-de-Calais.
Sans remonter au temps où le salaire de l’ouvrier mineur ne s’élevait qu’à un franc par jour, il est possible de constater que depuis un demi-siècle il a plus que quadruplé. Que ce résultat ait été atteint par l’ouvrier du plein gré des compagnies exploitantes, il serait invraisemblable de le prétendre ; on peut affirmer toutefois que, les circonstances aidant, quand un nouvel essor de l’industrie imposait une large extraction de produits, les compagnies ne se faisaient pas trop tirer l’oreille pour ouvrir la main et