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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 novembre.

Les premières séances de la Chambre nouvelle, qui se sont terminées par la démission du ministère Dupuy, ont suffi pour montrer combien le terrain de la discussion s’était déplacé en France depuis six mois. Elles ont donné le ton à la législature qui commence, et fait connaître l’esprit de la politique future : nous allons assister à la lutte du socialisme contre la liberté. Et nous avons la satisfaction de constater que celle-ci a remporté une éclatante victoire.

Le moment était, il faut l’avouer, mal choisi pour nos socialistes révolutionnaires, frères aînés ou cousins germains des anarchistes, pour faire entendre aussi hardiment leurs revendications, lorsque des attentats odieux, qui nous ramènent à la barbarie, plongent le monde dans la stupeur et prescrivent impérieusement à la société de veiller à sa conservation. Pays monarchiques ou républicains, nations vieilles ou jeunes, races latines ou anglo-saxonnes, nul n’est à l’abri de la fureur monstrueuse et stupide de quelques misérables qui détruisent les gens et les choses uniquement parce qu’ils trouvent que tout n’est pas pour le mieux dans la planète que nous habitons. Comme ils n’ont rien à substituer à ce qui est, qu’ils ne produisent aucun plan et que leur cervelle ne contient pas le plus léger vestige d’idée, on peut admettre que la devise de ces forcenés est simplement que ce qui existe n’est bon qu’à s’en aller en poussière et que le mieux serait qu’il n’existât rien.

C’est donc vraiment pour son existence que la civilisation actuelle, fruit de longs siècles d’efforts de nos pères, perfectible encore, — qui songe à le nier ? — mais très supérieure cependant, dans son ensemble, aux organismes sociaux qui l’ont précédée, aura à lutter dans l’avenir. C’est à elle que la guerre est déclarée, et les projets de loi dont on