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nous attribuer une puissance de persuasion, de suggestion vraiment miraculeuse, et quel que soit leur mérite, nos ministres n’ont pas eu jusqu’ici le don des miracles.

M. Geffcken est convaincu que tout Français russophile est un boute-feu incorrigible et n’a d’autre passion que « la haine de la Triple Alliance, qui oppose à ses désirs de revanche comme aux menées de la Russie en Orient une digue infranchissable. » La vérité est que la France tout entière attache un grand prix à l’amitié des Russes et que, comme l’empereur Alexandre III, elle désire sérieusement, elle aussi, le maintien de la paix. Mais elle pense qu’il est dans l’intérêt des deux pays de donner un contrepoids à cette Triple Alliance, dont les agissemens secrets l’ont plus d’une fois inquiétée. Elle veut être maîtresse de ses destinées ; il lui déplaît de n’avoir d’autre gage de son repos et de sa sûreté que la modération de ses ennemis, qui demain peut-être se démentira. Napoléon Ier disait que les bonnes idées ne s’allient pas toujours à un bon jugement. M. Geffcken a souvent de bonnes idées, et Dieu me garde de dire qu’il manque de jugement. Mais il manque parfois de logique. Il affirme que tous les ennemis de la paix sont en Ffance et en Russie ; que tant que nous aurons une bonne conscience, nous n’aurons rien à craindre de personne, et il a consacré le chapitre le plus intéressant de sa brochure à raconter, en l’enrichissant de quelques détails inédits, l’histoire exacte de tout ce qui s’est passé à Berlin dans le printemps de 1875, et à démontrer que sans qu’on eut contre nous aucun grief avouable, il s’en fallut de bien peu que nous ne fussions attaqués.

Nous nous remettions à peine de nos désastres ; la paix était pour nous le plus urgent des besoins, et le maréchal de Mac-Mahon disait à un diplomate étranger : « Si on me marchait sur le pied, je dirais : Pardon ! »

Cependant on trouvait à Berlin que nous nous relevions trop vite : on n’avait pas cru la France si forte ni si riche. Fallait-il lui laisser le temps de refaire son armée ? N’était-il pas d’une sage politique de se procurer un casus belli et d’en finir sur-le-champ avec elle ? N’ayant rien à lui reprocher, on lui prêta de sinistres desseins, en alléguant le grand principe que le véritable agresseur n’est pas celui qui attaque, mais celui qui par ses intentions perfides oblige son ennemi à l’attaquer.

M. de Bismarck disait un jour au docteur Hans Blum que, si le parti militaire et son chef voulaient la guerre, lui-même ne l’avait point voulue. Toutefois, dès le mois de février, il avait envoyé M. de Radowitz à Saint-Pétersbourg, en le chargeant d’expliquer confidentiellement au prince Gortchakof que la France méditait une agression contre l’Allemagne et qu’il se voyait dans la douloureuse nécessité de la prévenir ; qu’il espérait que, comme en 1870, la Russie observerait une neutralité