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PARFUM DE PAN


LES AROMATES


L’air lumineux, l’Érèbe et la mer inféconde
Et l’abîme éthéré plein d’astres éclatans,
Et l’antique Gaia qui conçut les Titans
Et les vents déchaînés dont l’aile vagabonde
Pourchasse dans la nuit les troupeaux halelans
Des nuages striés d’éclairs au ciel qui gronde,
Que sont-ils, sinon toi, Pan, substance du monde !

Ô divin Chèvre-pied, frénétique et joyeux,
Ton souffle immense emplit la Syrinx éternelle !
Tout soupire, tout chante ou se lamente en elle ;
Et le vaste Univers qui dormait dans tes yeux,
Avec ses monts, ses bois, ses flots, l’homme et les Dieux,
Circulaire et changeant, sinistre ou radieux,
En se multipliant jaillit de ta prunelle !

Inépuisable Pan, vieux et toujours nouveau,
Toi qui fais luire au loin, pour des races meilleures,
Comme un pâle reflet de quelque vain flambeau,
L’Espérance stérile, hélas ! dont tu nous leurres,
Et qui roules, marqués d’un implacable sceau,
Les siècles de ton rêve aussi prompts que les heures,
Salut, ô Dieu terrible, Origine et Tombeau !


Leconte de Lisle.