Mais une situation nouvelle, qui, dans un avenir prochain, va jouer un rôle capital au point de vue de la prophylaxie sanitaire de l’Égypte et de l’Europe, compliquera le problème et exigera un complément de mesures vers le sud du territoire égyptien et sur le littoral de la Mer-Rouge. Cette situation, provenant de conditions économiques sur le point de se réaliser tant dans la haute Égypte que sur le rivage africain de la Mer-Rouge, deviendra, en effet, une source de nouveaux périls sur lesquels M. le docteur Catelan, médecin sanitaire de France à Alexandrie, a eu le mérite d’appeler l’attention. L’Afrique, dit M. Catelan, absorbe aujourd’hui presque entièrement l’activité coloniale de la plupart des nations européennes. Du côté oriental, l’effort est considérable : chacun veut établir à son profit les grands contins commerciaux vers l’intérieur du continent. Sans doute la vaste région du Soudan est encore ; fermée depuis la chute de Kartoum ; mais le moment approche où elle va être ouverte par l’Angleterre agissant au nom de l’Égypte. Il lui importe, en effet, de ne pas se laisser devancer par l’Allemagne, qui gagne chaque jour du terrain vers la région des Grands-Lacs et des sources du Nil ; par l’Italie, qui tient, avec Massaouah, une des meilleures routes aboutissant de la Mer-Rouge en plein cœur du Soudan.
Souakim et Kosseïr sont donc, dès lors, les deux ports appelés à devenir les têtes de ligne des voies de communication de la mer vers les immenses contrées de la Nubie et du Soudan. Les conditions nouvelles créées par la concurrence commerciale et politique vont avoir une influence très grande sur l’état sanitaire de l’Égypte et de l’Europe. Il ne faut pas oublier, en effet, que sous Méhémet-Ali et avant la révolte mahdiste, plus de 50000 pèlerins provenant du Soudan, de la Nubie et des provinces de la haute Égypte prenaient les routes de Massaouah, Souakim, Bérénice et surtout de Kosseïr, pour s’embarquer de là à destination des lieux saints de l’Islam. Rassemblés dans ces ports après une longue route à travers le désert, ils étaient transportés par des navires à voile sur la cote arabique. Les fêtes du pèlerinage terminées, les Hadjis abordaient sur la côte d’Afrique dans les ports mêmes où ils s’étaient embarqués. Là, ils s’organisaient en caravane pour regagner l’intérieur. Si, comme cela est arrivé en 1890 pour Massaouah, ils apportaient le choléra avec eux, il n’y avait qu’une explosion locale, violente, mais de courte durée, et qui n’avait pas d’intérêt sanitaire au point de vue de l’Égypte et de l’Europe. Grâce, en effet, à l’éloignement, grâce à la lenteur et aux difficultés des communications par la voie du Nil avec la moyenne et la basse Égypte, le danger d’importation du fléau dans le delta était à peu près nul.