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différentes directions. L’Inde fut d’abord envahie dans toute son étendue, puis la Perse, puis l’Europe. Au début, c’est par la voie de terre exclusivement, comme nous l’avons déjà indiqué, que se firent les premières invasions cholériques. Mais à mesure que les communications maritimes se développèrent, toutes les cotes de l’Extrême-Orient furent successivement envahies.

Les expéditions militaires, les tentatives de colonisation, l’ouverture, par la création de débouchés au commerce, de pays jusqu’ici absolument fermés, furent le point de départ d’épidémies multiples.

Il est permis de dire que l’extension du fléau cholérique a suivi exactement le progrès commercial ; si bien qu’aujourd’hui l’immense étendue de côtes, de Wladivostok à l’équateur, de la presqu’île de Malacca au golfe Persique, partage à des degrés divers avec la presqu’île indienne le dangereux privilège d’être le siège de foyers cholériques. La Corée à peine ouverte fut décimée par une épidémie meurtrière en 1886 ; et depuis cette époque chaque année les côtes de la Sibérie orientale, les îles du Japon, sont visitées par le fléau. Quant à la Chine, bien que quelques villes seules du littoral soient ouvertes au commerce européen, on peut déjà constater dans les documens publiés par l’administration des douanes chinoises que tous les ports à traités aussi bien que les centres populeux situés sur les grands fleuves, sont périodiquement atteints par des épidémies qui ne semblent être que le réveil de foyers endémiques. Formose, les Philippines, le Tonkin, l’Annam, la Cochinchine, Java et Sumatra, le Siam, la Birmanie, sont dans la même situation. Ainsi donc l’endémie cholérique autrefois limitée aux rives du Gange et de l’Indus s’est implantée sur toutes les côtes de l’Asie orientale. Or, je le répète, cette transformation de la géographie médicale de l’Extrême-Orient s’est effectuée parallèlement avec le développement et les progrès du trafic maritime.

Mais ce qui nous importe surtout, c’est que cette modification s’est accomplie dans une période de temps relativement très courte. Il est même à craindre que cette extension ne s’accentue encore, et que l’endémie cholérique ne se fixe dans d’autres contrées. Toutefois, jusqu’ici, le danger créé par cette situation n’a pas beaucoup aggravé les craintes que doivent toujours inspirer les provenances de l’Inde et le pèlerinage ; de la Mecque. C’est qu’en effet tous les navires qui proviennent de ces régions aboutissent fatalement à Suez et à l’étroit canal qui débouche dans la Méditerranée. Ici la défense est organisée, elle ne réclame qu’un service de surveillance perfectionné à la conférence de Venise ; il faut que cette surveillance soit sérieuse.