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organisation et comme matériel. Et cependant on pourrait réaliser un Tor idéal à très peu de frais. C’est là que tous les efforts doivent se concentrer, car le gros danger pour l’Europe est le pèlerinage. Il y a d’autant plus nécessité d’organiser complètement la station quarantenaire de Tor en vue du pèlerinage, que maintenant l’Yémen est devenu un foyer à peu près permanent du choléra. En s’y prenant seulement quinze jours à l’avance, comme cette année, avec un matériel insuffisant ou hors d’état de service, les résultats obtenus seront toujours insuffisans, et peut-être n’aura-t-on pas toujours, en Égypte du moins, la même chance que cette année.

On a signalé des cas de fraude ; au campement de Djeb-el-Tor. Des pèlerins riches, accompagnés de leurs serviteurs, arrivés la veille par un convoi infecté, et craignant de subir de longs jours de quarantaine, se substituaient à des pèlerins malheureux qui avaient déjà satisfait à toutes les prescriptions sanitaires, et prenaient leur place sur le bateau qui allait partir. Les pèlerins accompagnés de serviteurs peuvent être encore une cause de danger d’une autre façon : moyennant bakchich, ils gagnent un port du sud, Aden principalement, d’où ils s’embarquent sur les paquebots des grandes compagnies et rentrent ainsi à titre de passagers ordinaires soit en Égypte, soit en Turquie, soit en Afrique.

Enfin, depuis une dizaine d’années, les transformations politiques survenues dans l’aire de la mer Rouge ont développé la contrebande entre la côte arabique et la côte africaine dans des proportions inquiétantes. Grâce aux échanges, aux trafics, à la vente des esclaves, les ports des deux rives de cette mer sont mis en communication journalière. Cette situation nouvelle favorise les évasions et les débarquemens clandestins. Cependant il sera toujours possible, surtout après la réorganisation du lazaret de Djeb-el-Tor, et en faisant rigoureusement exécuter des mesures sanitaires rationnelles, de préserver l’Égypte et l’Europe de l’importation du choléra si cette maladie venait à se montrer parmi les pèlerins de la Mecque. Nous avons même, à cet égard, des expériences décisives, en 1872, 1877, 1881, 1882, 1883, 1890, 1891, et, nous l’espérons, celle de 1893.


XII. — LES TRANSFORMATIONS DES VOIES DE COMMUNICATION DE L’AFRIQUE.

La politique nouvelle suivie en Afrique va créer au point de vue de la prophylaxie sanitaire des conditions entièrement différentes de celles qui ont existé jusqu’ici. Il y a une soixantaine d’années, le choléra était encore confiné dans le delta du Gange, comme la fièvre jaune dans le golfe du Mexique ; mais son domaine s’étendit bientôt et donna lieu à des poussées épidémiques dans