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bord ni médicamens ni désinfectans. Presque tout l’équipage avait été décimé par le choléra ; il ne restait que les mécaniciens et quelques matelots, les autres avaient été remplacés par des Marocains que l’on rapatriait gratis. Après une série d’opérations qui durèrent plusieurs jours, l’Etna fut renvoyé à Tanger, ayant subi à Malifou un assainissement complet.

L’aspect des bateaux français était très supérieur à celui des autres navires à pèlerins. Il y a là un réel progrès qui a été reconnu par tous.

Le choléra a été importé dans le lazaret de Tot. Il a gagné le personnel du camp, la ville de Tor et ses environs ; il a même été importé au camp de Rasmallap, station sanitaire supplémentaire pour les pèlerins égyptiens, et un cas a été constaté en rade de Suez. Les pèlerins ont même porté le choléra jusque dans la Méditerranée, aux lazarets de Beyrouth, de Smyrne, de Tripoli d’Afrique, et jusqu’au Maroc.

L’histoire du vapeur ottoman Abd-el-Kader est remarquable. Il avait embarqué à Djeddah, le 4 juillet 1873, 1370 pèlerins : il en perdit 20 jusqu’à Tor, 167 au lazaret de Tor, 6 entre Suez et Port-Saïd, 30 entre Port-Saïd et Beyrouth, 4 au lazaret de Clazomène près de Smyrne ; au total, 334 morts entre Djeddah et Smyrne sur 1370 pèlerins, soit le quart des passagers ; et cela, après une mortalité effroyable subie à la Mecque. Le bateau qui ramenait les Bosniaques était déjà réduit à Suez de 104 à 57.

La conférence qui doit se réunir à Paris aura à résoudre plusieurs questions. Elle devra indiquer les moyens nécessaires pour empêcher les pèlerins indiens d’importer le choléra à la Mecque, et, dans le cas où il s’y déclarerait, prévenir son importation en Europe. Déjà, dans le dessein de réaliser la première partie de ce programme, le gouvernement ottoman arrête au sud de la mer Rouge pendant un certain nombre de jours les pèlerins indiens et javanais qui se rendent à la Mecque. Il a choisi comme lieu de quarantaine l’île de Camaran, placée dans la Mer-Rouge au nord d’Aden, vers la côte arabique, à petite distance de Hodeïdah ; cette île réunit de grands avantages au point de vue des ressources, mais elle a l’inconvénient, comme toute île de la Mer-Rouge, de pouvoir être évitée par les navires à surveiller. On a adressé au lazaret de Camaran d’autres critiques : sa mauvaise organisation, l’isolement insuffisant des quarantenaires de diverses provenances. En outre les ariches offrent un abri insuffisant, l’eau n’est pas de bonne qualité ; ce lazaret n’a d’ailleurs pas rempli son rôle, puisque le choléra s’est montré à la Mecque pendant ces dernières années, bien que les pèlerins aient été amenés à Camaran.