Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/659

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a plus de remède, s’est enfermé avec des vivres dans sa maison qu’il a fait murer. Le peuple (qui n’a jamais guère de raison et qui en a encore moins dans cet état de douleur, car la douleur est injuste) s’est fâché contre l’évêque ; ils ont entouré sa maison de corps morts pour le faire périr ; ils en ont jeté par-dessus les murs, et c’est un siège d’un nouveau genre qu’il est obligé de soutenir. Le mal gagne la Provence et a détruit plusieurs gros villages.

« On débite dans Paris un écrit intitulé : Parfums et remèdes contre la peste, dont s’est servi le P. Léon, augustin déchaussé de France, par ordre du Roi, en 1666-1667-68 et 69.

« J’ai entendu dire à M. de Chirac, médecin du Régent, que la déclaration de la peste est pire que la peste même, parce qu’il n’y a plus de communication de ville à ville ni de village à village, et que l’on manque de vivres et de secours, ce qui cause les maux du corps et de l’esprit, la faim et les délires. »


11 décembre.

« On a vu des lettres de Marseille du 27 novembre, qui disent que la peste y est déclarée plus que jamais ; que quarante personnes saines ont été attaquées, en un même jour, de cette maladie, avec tous les signes de peste les plus caractérisés, et tels que l’on n’en avait point vu de pareils ; qu’elles sont mortes en deux jours ; que l’on attribue ce nouveau malheur aux jours chauds que l’on a eus depuis peu, et qu’on n’a d’espérance qu’à la gelée, mais qu’on craint qu’au printemps cela ne reverdisse, c’est le terme de la lettre. Brune, fameux négociant de Marseille, écrit qu’on ne soit point étonné de ne plus recevoir de ses lettres parce qu’il est à sa dernière feuille de papier. »


21 mai 1721.

« Le premier médecin a invité les médecins de la Faculté et des maisons royales à se trouver chez lui pour leur communiquer quelque chose d’important de la part du Régent. Ils se sont assemblés le mercredi 21 mai, l’après-dînée, chez lui. Ils étaient vingt médecins de la Faculté et cinq des maisons royales : Chirac, premier médecin du Régent ; Terray, médecin de Madame ; Falconet, médecin ordinaire du Roi ; Dumoulin, aussi médecin du Roi, et Sidobre, du régiment des gardes. Il a été question de la police de la peste et non de la guérison.

« On a proposé lequel était le meilleur, dès que la peste est dans une maison, de la murer, et d’empêcher toute communication dans la ville, ou de prendre le malade et de le mettre, de quelque condition qu’il soit, dans une infirmerie ou hôpital destiné aux