Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/656

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

considérable, l’asile a une sorte d’organisation. Ce n’est pas une pièce nue avec de la paille sur la terre battue : le sol est carrelé et le local est meublé d’un lit de camp en bois. On couche dessus, et dessous dans les momens de grand passage ; une cruche d’eau, un baquet d’aisance, complètent l’ameublement. La paille du couchage est changée quand elle est usée. Au-dessus de la porte d’un de ces logis un vagabond avait écrit : HOTEL FIN-DE-SIECLE.

Le docteur A.-J. Martin et moi avons visité un certain nombre de logemens qui n’étaient guère supérieurs à ceux que nous venons de décrire.


En Europe, le typhus reconnaît deux foyers principaux : l’Irlande et la Silésie.

Il n’a jamais cessé de régner en Irlande, et partout où l’émigration irlandaise a porté ses pas, le typhus a suivi. C’est ainsi qu’il pénètre et qu’il se montre dans les grands ports de l’Angleterre et dans l’Amérique du Nord.

De son deuxième foyer européen, la Silésie, le typhus rayonne vers les côtes russes de la Baltique, la Prusse orientale, la Suède et le Danemark.

Pendant la guerre de Crimée, les armées russes et alliées furent décimées par le typhus, qui fut importé ; jusqu’au Val-de-Grâce par nos soldats, mais ne prit pas pied en France.

En 1869, à la suite de la famine, l’Algérie fut ravagée par une épouvantable épidémie typhique.

Pendant la guerre franco-allemande, le typhus ne s’est montré ni à Paris, ni à Metz, non plus chez les assiégés que chez les assiégeans.

Pendant les derniers mois de 1892 jusque vers la fin de mai 1893 une épidémie formidable de typhus a sévi dans le mutessariflik de Benghazi (Tripolitaine), l’ancienne Cyrénaïque. Elle a fait des milliers de victimes dont on ne sait et dont on ne saura jamais le nombre. Comme il arrive presque toujours dans ces épidémies orientales, la nature et la grandeur du mal n’ont été révélées que quand il touchait à sa fin.

Autant la contagion de la fièvre typhoïde est faible, autant celle du typhus est éclatante. Dans les hôpitaux et dans les armées en campagne, la maladie éprouve cruellement les médecins et les infirmiers. En Crimée, sur 450 médecins, 58 sont morts du typhus ; en Irlande, dans une période de vingt-cinq années, sur 1220 médecins attachés aux établissemens publics, 560 ont été frappés du typhus, 132 sont morts (Murchison).

C’est bien à propos du typhus qu’il est permis de dire que l’histoire des maladies des peuples ne peut plus être séparée