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allemandes. J’ajouterai que Berlin a présenté son maximum 8 jours avant Kœnigsberg, et Posen 15 jours avant Elbing. Kœnigsberg est plus rapproché de la Russie que Berlin, et Elbing que Posen ; mais Berlin et Posen sont de plus grandes villes, et les communications avec elles sont plus fréquentes et plus promptes.

Le transport par l’air semblait d’abord seul assez rapide pour expliquer l’apparition de la maladie en si peu de temps, à de telles distances ; mais, à regarder de près la manière dont les choses se sont passées sous nos yeux, fait remarquer le professeur Bouchard, on est amené à reconnaître que la marche de la grippe, dans l’épidémie dernière, n’a jamais excédé la rapidité des moyens de communication en usage de nos jours entre les humains. Quand la grippe s’est transportée d’un pays dans un autre, elle a sauté d’emblée de la capitale primitivement frappée au point le plus éloigné de la ligne de communication, de Saint-Pétersbourg à une autre capitale, Paris ou Berlin, pour n’attaquer que plus tard les points intermédiaires. Ces mouvemens de recul, ces sauts rétrogrades, ne trouvent pas leur explication en dehors de la contagion d’homme à homme. En France, où l’épidémie n’a pas paru affecter une marche aussi régulière, deux faits cependant paraissent indéniables : 1° la maladie a commencé à Paris ; 2° dans tous les départemens, elle est apparue d’abord dans les villes avant de gagner les campagnes.

Autour de chaque foyer primitif de grippe, la maladie paraît bien en général s’être répandue, par diffusion, aux villes moins importantes, puis aux villages et aux derniers hameaux d’autant plus lentement qu’ils étaient plus éloignés et plus isolés du foyer primitif. Tous les observateurs s’accordent également à déclarer qu’aucune ville et qu’aucun village n’a été atteint avant l’arrivée d’un voyageur provenant d’une ville où sévissait la maladie.

Aucun cas ne s’était produit à Frontignan, dit M. Grasset, jusqu’au jour où arrive de Paris une personne grippée. Celle-ci dîne avec dix autres personnes, parmi lesquelles cinq contractent la maladie. Une de ces personnes porta ensuite la grippe dans un village voisin indemne jusque-là.

J’ai moi-même rapporté à l’Académie de médecine que le paquebot Saint-Germain, parti le 2 décembre 1889, de Saint-Nazaire, indemne à ce moment, embarqua à Santander un passager venant de Madrid où régnait la grippe. Dès le lendemain de son arrivée à bord, ce passager fut pris de l’affection, et le mal se généralisa à tel point que 150 passagers sur 336 furent atteints.

L’un des grands paquebots de la Compagnie générale transatlantique, parti au commencement du mois de décembre, et n’ayant eu aucun cas de grippe pendant son voyage du Havre à