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est exacte, ce paradis perdu semble peu digne, soit dit en passant, d’être l’objet de notre éternel regret.

C’est là que l’homme aurait fait sa première apparition ; c’est de là que les diverses races asiatiques seraient descendues, suivant des directions divergentes, pour peupler progressivement, par des migrations successives, les diverses parties du vieux continent.

Nous n’entreprendrons pas ici la discussion du fond même de cette hypothèse : c’est une question ethnographique des plus ardues, la plus ardue même entre toutes, que celle du lieu d’origine du premier homme. Et ce n’est pas ici la place ni le moment de recommencer ni même de résumer les nombreuses controverses que cette théorie a soulevées, depuis l’époque déjà éloignée où l’éminent professeur Max Müller l’a mise en lumière pour la première fois, reportant le berceau de l’homme, ou tout au moins celui de la race blanche, du massif de l’Ararat aux montagnes de l’Hindou-Kouch, et des sources de l’Euphrate à celles de l’Oxus. Depuis lors, d’ailleurs, c’est-à-dire depuis l’époque où une critique profane a pour la première fois exproprié la mémoire de nos premiers parens de leur résidence classique, d’autres hypothèses plus modernes ont été émises, et maintenant, après les cavernes de la Gaule, c’est la Scandinavie méridionale qu’il est devenu de mode de considérer connue ayant été la résidence la plus probable des ancêtres les plus préhistoriques de l’homme civilisé. Au surplus, une théorie plus nouvelle encore tend à faire descendre la race aryenne, à laquelle nous avons l’honneur d’appartenir, du croisement de quatre races issues de quatre foyers distincts et fort éloignés les uns des autres. Cette hypothèse est celle qui a été soutenue avec talent et qui a paru prévaloir, l’année dernière, au Congrès international d’anthropologie, réuni à Moscou.

Dans tous les cas, que le Pamir ait eu ou non le monopole de ce rôle primordial, il semble avoir été un important centre de dispersion des races humai nés. En effet, sur les quatre flancs de cette large pyramide, aux arêtes de laquelle viennent se rattacher les grandes murailles qui découpent l’Asie, s’étalent en divergeant quatre races bien distinctes : la race indo-européenne, ou race blanche, du côté du sud et de l’ouest ; la race jaune proprement dite, la race chinoise, du côté de l’est ; la race turco-mongole ou finnoise, plus ou moins parente de la race jaune, au nord ; enfin, du côté du sud, dans l’Inde, une race noire ou du moins très foncée, qui paraît avoir précédé dans ce pays la race aryenne ou indo-européenne. On est conduit à supposer que ces diverses races sont descendues du sommet de la pyramide, où auraient habité leurs ancêtres communs.