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La loi en projet ferait disparaître la plupart de ces griefs : les formalités d’origine sont simplifiées et consistent uniquement dans un dépôt des statuts au greffe de la justice de paix ou du tribunal de commerce ; le montant des actions peut être abaissé à 20 francs, il ne peut dépasser 100 ; le versement du dixième suffit pour la constitution de la société ; aucune limite n’est fixée au capital social. Il est stipulé que les actions doivent être nominatives et que personne ne pourra en posséder pour plus de 5 000 francs dans la même société. Cette clause de méfiance a un double objet : entraver l’évolution qui fend à transformer les sociétés coopératives prospères en sociétés anonymes pures et simples ; empêcher divers établissemens qui sont sous le régime du patronat, avec quelques modifications ingénieuses, de se couvrir du pavillon coopératif. En ce qui concerne le premier objet, il est à craindre que, comme toutes les lois qui portent atteinte à l’évolution naturelle, la loi récente ne soit tournée, ce qui est toujours possible, ou que la transformation des sociétés coopératives prospères en sociétés anonymes vulgaires n’en soit précipitée.

Cette transformation peut être aussi le résultat de la clause qui oblige les sociétés coopératives de production, sous peine de ne jouir d’aucune immunité fiscale, à admettre leur personnel à la participation, aux bénéfices dans la proportion de 50 pour 100 de ceux-ci, déduction faite, de l’intérêt du capital et des amortissemens. On a vu que presque toutes les sociétés coopératives anglaises sont opposées à la participation aux bénéfices, et il en est ainsi de nombre de françaises, surtout des plus florissantes.

Quelques lecteurs s’étonneraient peut-être si, dans une étude sur la coopération, nous passions sous silence une des institutions récentes qui se sont le plus développées dans notre pays, à savoir : les Syndicats agricoles. Autorisés par la loi du 21 mars 1884, ils ont bientôt foisonné ; au 1er juillet 1892, on en recensait 863 régulièrement constitués[1]. Très différens, par leur mode d’action, de la généralité des autres syndicats professionnels, les syndicats agricoles ne s’occupent pas uniquement de la représentation des intérêts communs de leurs membres ; ils procurent, pour la plupart, à chacun doux des avantages de l’ordre le plus tangible. Ils interviennent pour l’achat des engrais, des instrument agricoles, des matières diverses dont le cultivateur a

    avec quelques amendemens le 21 juin 1892 ; la Chambre la vota de nouveau, mais en y introduisant, de nouvelles modifications, le 27 avril 1893. Le Sénat en est actuellement de nouveau saisi ; voir les deux rapports successifs de M. Victor Lourties, sénateur.

  1. Annuaire des syndicats professionnels, 4e année, 1892, page XII.