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subsistaient, mais elles paraissaient gênées dans leur affaires, car sur les 243000 francs qu’elles avaient reçus, elles n’en avaient encore rendu que 22000. Ces précédens, peu favorables, n’ont pas empêché que le Parlement n’inscrivît une somme de 140000 francs au budget de 1893, et une somme égale au budget de 1894 pour « encouragemens aux associations ouvrières de production et de crédit. » La loi de 1867 a créé pour ces associations, sous le nom de sociétés à capital variable, un régime spécial leur conférant la personnalité juridique, abaissant à 50 francs, dont un dixième payable comptant, le montant des actions. On eût pu descendre jusqu’à 25 francs, et l’on eut le tort de limiter à 200000 francs le capital maximum des sociétés de ce genre. D’autre part, dans la pratique, on leur a accordé en fait de grandes faveurs, dont l’une, du moins, peut être considérée comme excessive et portant atteinte au principe d’égalité : on a exempté de la patente les sociétés coopératives de consommation ; c’est là un privilège et un abus, tout au moins pour celles de ces sociétés qui vendent à d’autres que leurs membres. On ne leur applique pas non plus l’impôt sur le revenu, sous le prétexte que leurs profits constituent une ristourne et non un dividende.

Les coopérateurs conservent toutefois des griefs contre la loi ou l’administration ; ils en énumèrent quatre : 1° les formalités trop onéreuses pour la constitution de la société ; bien que la loi n’exigeât pas explicitement d’acte authentique, c’est-à-dire notarié, et qu’elle se contentât d’un acte sous seing privé en double original, il fallait néanmoins recourir au notaire pour constater que le capital avait été versé effectivement, et. toutes les fois aussi qu’une société de production voulait traiter avec une administration publique, celle-ci exigeant la production d’un acte notarié ; il en résultait des frais de 4 à 700 francs ; 2° le chiffre trop élevé de l’action, que l’on désire voir abaisser de 50 francs à 20 ; 3° la limitation du capital social à 200000 francs, ce qui rend inaccessible à l’association coopérative la grande production ; 4° « l’emploi abusif du titre de coopératif par certaines entreprises purement commerciales désireuses de profiter des exemptions que ce titre confère. » Cette réclamation n’est pas sans fondement, surtout au point de vue de la confusion que l’abus de cette étiquette coopérative cause dans les idées du public et dans les statistiques ; mais il est assez difficile d’y remédier complètement. On l’a essayé cependant dans une loi votée par l’ancienne Chambre, mais qui n’a pas été adoptée encore par le Sénat[1].

  1. Cette loi a été votée par la Chambre des députés le 7 juin 1889 ; le Sénat l’adopta