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constitué, le 10 septembre 1831, la première association coopérative de production, celle des menuisiers, et en 1834 celle beaucoup plus connue des bijoutiers en doré ; la première périt presque en naissant, mais la seconde vit encore ; seulement elle perdit d’assez bonne heure le caractère coopératif. Si l’on se reporte à un document, appartenant encore à la période héroïque et naïve de la coopération, à savoir l’Almanach de la coopération pour 1868, on y trouve énumérées 57 sociétés coopératives de production pour Paris seul. Parmi elles, une seule, celle des bijoutiers en doré, était antérieure à 1848 ; celles des formiers, des fabricans de chaises, des ferblantiers, des tailleurs d’habit, des tailleurs de limes et des maçons, dataient de 1848 même, six autres de 1849, parmi lesquelles la célèbre société des lunetiers, qui eut un immense succès, mais qui, comme on le verra, n’est plus qu’une société anonyme pure et simple ; deux de 1850, une de 1851, une de 1857 ; toutes les autres étaient écloses de 1864 à 1868.

Constituées dans les petits métiers parisiens, où l’habileté de l’ouvrier tient une si grande place et qui n’exigent, en général, qu’une dose modique de capital, ces sociétés, si elles eussent été bien conduites, avaient des chances assez nombreuses de succès. Le même Annuaire de la coopération pour 1868 donnait la nomenclature de huit associations coopératives de production à Lyon, outre dix autres qui s’y trouvaient en fondation, disait-il. Il énumérait aussi en province un assez grand nombre de sociétés de ce genre.

Il serait très intéressant de pouvoir suivre, à 25 ans d’intervalle, de 1868 à 1893, l’évolution de toutes ces associations, de constater celles que la mort a enlevées, celles qui subsistent et celles qui se sont transformées, de fait, en sociétés anonymes ordinaires. Les renseignemens manquent de précision. L’Annuaire de la coopération française pour 1893 énumère seulement 81 sociétés coopératives de production, en laissant en dehors les fruiteries et les laiteries. Or, en 1868, on en comptait au moins autant, sinon davantage. Comme il s’en est fondé beaucoup dans l’intervalle, c’est dire que le plus grand nombre de celles qui existaient en 1868 ont disparu un quart de siècle après. Si l’on s’en tient à Paris, l’Annuaire de 1893 ne mentionne que 38 sociétés de ce genre, au lieu des 57 citées dans l’Annuaire de 1868 ; l’Annuaire de 1893 ne donne pas la date de la constitution de chacune de ces sociétés, ce qu’avait fait l’Annuaire de 1868 avec raison. Nous reconnaissons, toutefois, parmi les associations fonctionnant à Paris en 1893 quelques-unes de celles dont on nous donnait déjà les noms en 1868 : ainsi celle des bijoutiers en doré, fondée en 1834 par Buchez, on la mentionne toujours, quoiqu’elle ne paraisse