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du peuple a pris un très grand essor, il convient de susciter à côté d’elle une autre institution similaire, fût-ce dans la même ville, a lin que les responsabilités soient mieux réparties et que l’on recherche avec plus de zèle les petites affaires (si approfondisce la ricerca degli affari minori) que les établissemens puissans finissent par négliger. La poursuite acharnée des petits dépôts et des petits escomptes est chaleureusement recommandée par M. Luzzati ; le grand nombre des établissemens indépendans doit y aider. Un cite l’exemple de la Banque populaire de Milan qui, avec un patriotique désintéressement, a fait naître dans son rayon la Banca popolare agricola milanese[1].

Dans plusieurs autres pays, notamment en Suisse, des banques populaires sont écloses et se sont développées. La grande Banque populaire de Berne, fondée en 1868, n’est que de trois ans postérieure à celle de Milan. Elle a été décrite par M. Rostand, qui lui préfère, cependant, la dernière. Les parts sont de 1 000 francs, ce qui est un gros chiffre, mais l’on ne peut en posséder qu’une. Contrairement à la méthode Raiffeisen et Luzzati, tous les services y sont rétribués, ce qui pour les coopérateurs mystiques est un mal, et pour les observateurs impartiaux une garantie de durée.

En France, le crédit populaire a pris au début une très fausse direction : suivant nos habitudes centralisatrices, on a dédaigné les humbles origines locales ; on a créé à Paris, en 1863, une institution portant le nom de Société du Crédit au Travail, qui devait susciter sur les divers points du territoire des sociétés coopératives et leur servir de banquier. Créée avec 20 000 francs de capital, elle en avait 302 000 en 1867, comptant alors 1 728 membres. Elle s’était procuré, en outre, 472 000 francs par des dépôts ou des emprunts en comptes courans[2]. Quoique des hommes distingués, appartenant à la haute bourgeoisie, aient collaboré à la direction de cet établissement, il échoua si complètement que, sans les sacrifices de quelques-uns de ses riches promoteurs, il fût tombé en faillite. Il avait été une sorte de Crédit mobilier populaire.

Dans ces dernières années on s’est repris, chez nous, à s’intéresser aux sociétés de crédit populaire. L’Almanach de la coopération française pour 1892 recense 18 associations de ce genre, dont 6 se rattachent à des syndicats agricoles.

  1. Voir l’ouvrage intitulé : Sull’andamento del credito in Italia, relazione di Luigi Luzzati ; Milano, 1879, pages 25 à 32, notamment le chapitre intitulé Epilogo.
  2. Voir dans l’Almanach de la coopération pour 1868, pages 289 à 296, une étude très louangeuse sur cet établissement qui était à la veille de sombrer et qui néanmoins distribuait 5 pour 100 d’intérêt pour 1866 sur de prétendus bénéfices nets de 8 pour 100.