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de capitaux. Les services dans ces banques doivent être autant que possible gratuits, mais le cachet de patronage des associations Raiffeisen, la direction des plus riches et des plus aisés, ne s’y doivent pas rencontrer. Les associations de Schulze, comme celles de Raiffeisen, étaient surtout des banques de dépôt ; celles de M. Luzzati sont plutôt des banques d’escompte. Ses banques admettent des actions, mais de faible importance, et chaque membre n’en peut posséder que quelques-unes ; on paie, en outre, en général, un denier d’entrée. S’inspirant du système des petits districts de Raiffeisen, le système italien repousse les grandes banques avec de nombreuses succursales et préfère les petites banques étagées, chacune autonome et correspondant à un cercle étroit de population où tout le monde se connaît. On s’y propose « la capitalisation de l’honnêteté », non, cependant, sans quelques garanties matérielles, car, si honnête que soit un homme, il peut se tromper et il peut mourir. Les caisses d’épargne, qui jouissent en Italie d’une très grande liberté pour le placement de leurs fonds, aidèrent beaucoup, ainsi que les sociétés fraternelles, au succès des institutions de M. Luzzati. Le terrain des premières, à savoir le Milanais, la Vénétie, les Romagnes, était admirablement préparé[1].

Après une expérience coopérative à Lodi en 1864, M. Luzzati fonda sa première banque populaire en 1866 à Milan, à la veille de la guerre austro-italo-prussienne. La banque n’avait que 700 francs de capital, juste la même somme que celle qui servit de premier fonds aux Pionniers de Rochdale. Les actions étaient de 50 francs, mais payables en dix mois, et le denier d’entrée de 25 francs, également avec des facilités de versement. Aujourd’hui la banque populaire de Milan est logée dans un palais. Outre 130 ou 140 fonctionnaires rétribués, elle emploie 100 commis ; elle comptait, en 1889, 16392 membres et n’a pas cessé de grandir depuis. Son capital versé montait à 8418850 lires, représenté par 165906 actions[2] ; la réserve atteignait 4209425, soif la moitié du capital. Les dépôts ordinaires s’élevaient à 57853000 fr., et les dépôts spéciaux dits d’épargne à 35 millions. En 1889, elle avait prêté 115 millions de francs en 162789 prêts, parmi lesquels 129401 étaient inférieurs à 1000 francs, 13349 à 100 francs et quelques-uns même ne dépassaient pas 10 francs. Sur un chiffre total d’opérations atteignant 1796 millions de lires, elle n’avait

  1. M. Léon Say a consacré d’intéressantes et vivantes études à la description des institutions de crédit populaire italiennes, voir notamment ses ouvrages : Dix jours dans la Haute Italie, 1883, et Le Socialisme d’État, 1884.
  2. Ce chiffre d’actions ne ferait que 8295300 francs : la différence, qui est d’ailleurs faible, a une cause que nous ignorons ; ce n’est pas que quelques-unes de ces actions ont été émises à prime, car la prime eût dû figurer à la réserve.