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y peut joindre des fonds empruntés au public, mais il serait désirable de maintenir une certaine proportion entre ces emprunts et le capital propre de la société : la relation de 3 à 1 des premiers au second, qui est devenue habituelle, paraît exagérée et dangereuse ; Schulze voulait que le capital propre atteignît 32 pour 100 du total ; 4o tous les membres doivent être solidaires pour les dettes : Schulze attachait à cette clause une énorme importance ; 5o ces sociétés doivent se garder de l’exclusivisme ; elles doivent recruter le plus grand nombre possible de membres vraiment dignes ; leurs opérations doivent consister seulement en prêts ou en escomptes courans ; elles doivent éviter la commandite des entreprises, si intéressantes et philanthropiques qu’elles paraissent. La grande « Société d’épargne et d’avances de Dresde », qui l’avait fait, s’est perdue, de même que, plus tard, la « Société de crédit au travail de Paris. »

Toutes ces prescriptions de Schulze-Delitzsch n’ont pas toujours été fidèlement suivies. Les conditions morales tenaient, d’autre part, une grande place dans la conception qu’il se faisait du système. Il fallait rendre l’ouvrier et l’artisan dignes de crédit. Il avait raison de penser que l’association coopérative n’est pas un groupement numérique, comme l’assurance ; il doit y entrer beaucoup de qualités morales. D’autre part, ce mode d’association ne paraît pas destiné à embrasser la totalité des hommes : c’est un procédé de sélection.

Tout en attachant tant de prix aux qualités morales, Schulze bannissait régulièrement tout mysticisme de son système. Les employés de ses banques populaires à tous les degrés sont payés ; ils sont même souvent intéressés dans l’extension des allaires et dans les bénéfices. Lui-même, outre les avantages que nous avons vu qu’il avait acceptés, n’avait pas cru devoir décliner un don de 50000 thalers (187500 francs) provenant de souscriptions volontaires. Les dividendes distribués aux actionnaires peuvent être considérables : on a vu qu’en 1892 une de ses banques distribua 30 pour 100 et qu’en 1891 une même donna 56 pour 100. Peut-être le fondateur eût-il trouvé qu’il y avait quelque imprudence à d’aussi énormes répartitions, mais il n’était pas défavorable à des dividendes largement rémunérateurs.

L’œuvre de Schulze, comme on a pu en juger par les chiffres reproduits plus haut, a splendidement réussi, et, quoiqu’elle soit arrivée, semble-t-il, au point culminant, qu’elle demeure depuis quelque temps à peu près stationnaire, avec une légère tendance même au recul, elle n’en constitue pas moins la plus belle création sociale de ce temps. Le succès est dû tant à la méthode de Schulze, à son ardent apostolat, à l’habileté et à la rigueur de sa