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Une cause plus générale contribue à l’arrêt, sinon au déclin des sociétés Schulze-Delitzsch : c’est le progrès du socialisme en Allemagne.

Nul homme ne fut plus résolument l’adversaire du socialisme : que Schulze. Ses doctrines étaient celles de l’économie politique la plus stricte. Théoriquement et pratiquement il lutta, sans se lasser, sans jamais faire une concession, contre la conception socialiste. Il fut l’adversaire déclaré de Lassalle. Il le fut au même degré de toute intervention de l’Etat. Son disciple et commentateur Rampal a bien mis en évidence ce trait de sa doctrine, de son caractère et de sa vie. Quelques citations à ce sujet ne sont pas sans utilité. Schulze a consacré une série de conférences aux Voies et moyens pratiques pour améliorer le sort des classes ouvrières. Une de ces conférences traite des Entraves artificielles apportées aux relations naturelles du commerce. Schulze-Delilzsch y parle comme Adam Smith. Il constate « l’impossibilité de trouver dans des moyens d’action extérieure (tels que l’intervention de l’Etat et autres) la solution du problème… Ces erreurs aboutissent pour la plupart, dit-il, à une déclaration de guerre contre la libre concurrence et le capital, et, bien que l’on n’aille pas dans cette voie aussi loin que les socialistes, qui les abolissent tous deux sans détour en livrant l’industrie à l’Etat, on met, néanmoins, en avant tout un attirail de plans et une multitude d’essais, et l’on s’efforce de limiter, d’entraver par toutes sortes de restrictions et de mesures réglementaires plus arbitraires les unes que les autres le jeu de ces deux puissans leviers du commerce. » Si ce système d’intervention, malheureusement en vigueur, ajoute-t-il, dans divers États allemands et en Prusse, n’a pas produit tous les effets nuisibles qu’on en devait attendre, on doit « en rendre grâce à la puissance des faits accomplis qui minent lentement les barrières artificielles, et à l’intérêt personnel, toujours ardent à poursuivre, même par des voies détournées et en dépit de toutes les oppositions, l’exercice de son droit. » Cette phrase énergique n’est dépassée en netteté par aucun passage des économistes dits classiques.

Schulze est l’ennemi résolu des corporations, des « ordonnances et règlemens de police commerciale ». Il est un partisan enthousiaste de la libre concurrence et de la liberté industrielle : « La libre concurrence, écrit-il, est tout à la fois la liberté du travail et la liberté de l’échange. Or, sur le terrain de l’économie