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lui sont présentés en nantissement, et non plus seulement la moitié ou le tiers de cette valeur.

Les commissaires-priseurs du Mont-de-piété, aujourd’hui personnellement responsables, sont amenés, par la crainte d’éprouver des pertes, à priser les gages fort au-dessous de leur prix marchand. Il arrive que nombre d’emprunteurs (104 000 en 1892) se voient refuser tout secours pour insuffisance de gages, ou encore que certains autres (41 000 en 1892) n’acceptent pas les prêts infimes qui leur sont offerts, ou enfin que, contraints de passer sous les fourches caudines de la prisée, ils sont volés en cas de non-dégagement et de cession de leur reconnaissance. Quel accueil croit-on qu’une Chambre, soucieuse de l’intérêt des misérables, ait fait à une proposition qui mettait fin à un état de choses aussi fâcheux ? Malgré les avis du conseil supérieur de l’Assistance publique, elle l’a repoussée presque sans débats ; et, lorsqu’ils pouvaient en cette circonstance faire quelque chose de positif pour le crédit populaire, les représentans du peuple ont refusé de le faire, alors qu’il n’en coûtait cependant pas un son à l’État.

Veut-on l’exemple d’autres contradictions, qui toutes proviennent de ce qu’aucune main ferme ne guide les délibérations des Chambres, de ce qu’aucun homme de gouvernement, mû par une pensée supérieure, n’oblige, par l’ascendant de sa parole ou la fixité de ses desseins, les sénateurs et les députés à le suivre : on parle beaucoup depuis quelque temps de la réforme du droit de succession, que l’on réduirait du 12e degré au 8e, ou même au 5e. Ce côté de la question n’a guère d’importance, puisqu’il ne s’agit que des successions ab intestat ; personne, j’entends personne dont l’opinion ait quelque poids au Palais-Bourbon ou au Luxembourg, n’a l’idée d’empêcher de disposer de leur bien, par testament, ceux de nos concitoyens qui n’ont pas d’héritier direct ou de proche parent collatéral. La suppression de l’héritage ab intestat, à partir du 8e ou du 5e degré, équivaudrait donc à édicter l’obligation légale de tester, qui n’a rien de bien pénible, et qui d’ailleurs, avant la Révolution, était d’accord avec les mœurs d’une notable partie de la France, toute la région du Midi où subsistait le droit romain. On se proposerait en outre d’augmenter de moitié ou d’un quart les taxes de succession, particulièrement celles qui frappent la transmission des biens en ligne collatérale. Ces taxes varient d’ailleurs aujourd’hui, ne l’oublions pas, de 8,25 à 10 p. 100 du montant de l’héritage.

Ce dernier projet aura néanmoins toute l’approbation des gens sensés, s’il a pour objet de modifier la base de perception du Trésor, en admettant, pour le calcul des droits, la déduction des dettes du défunt, dont il n’est pas tenu compte jusqu’à ce jour. Des majorations d’impôts sur les transmissions de biens par décès rencontreraient aussi des