deux jeunes actrices qui, en mai 1824, avaient tenu les parties de soprano et d’alto solo dans la Symphonie avec chœurs et la Messe en ré. Toutes deux étaient charmantes : la première, avec des bandeaux sur les tempes, des yeux rêveurs, un sourire immobile, une bonne petite Allemande de facile abord ; l’autre, Henriette Sontag, plus fine, plus piquante, resserrant ses lèvres en un sourire plein de malice : mais, tout de même, une bonne petite Allemande elle aussi, je le devinais à la naïveté de ses grands yeux trop ouverts. Je me plaisais à les imaginer étudiant leurs parties sous la direction du vieux maître, et bavardant entre elles, et essayant de bavarder avec lui. Mais il était trop sourd, elles y renonçaient ; et il me semblait voir un peu d’indulgente pitié se mêler à leur sourire.
Et voici précisément que j’ai trouvé, quelques mois après, dans la livraison de septembre des Westermann’s Monatshefte, une biographie détaillée de ces deux aimables femmes, mais surtout une histoire détaillée de leurs relations avec Beethoven.
C’est en 1822 que Beethoven les a rencontrées pour la première fois : « j’ai aujourd’hui, écrit-il le 8 septembre à son frère Jean, reçu la visite de deux cantatrices, et comme elles demandaient absolument à me baiser les mains, et comme elles étaient très jolies, je leur ai offert de préférence ma bouche à baiser. «
Caroline Unger avait alors vingt-deux ans ; son amie Henriette Sontag en avait à peine dix-sept. Caroline Unger avait étudié le chant avec le fameux Milanais Ronconi ; elle venait de débuter, sans grand éclat, en 1821, à l’Opéra de Vienne, dans le rôle de Chérubin. Henriette Sontag était une enfant prodige : elle avait débuté à six ans ; à quinze ans c’était déjà une des étoiles de l’Opéra viennois. En 1822 elles étaient amies intimes, et comme toutes deux auraient volontiers créé des rôles écrits pour elles, elles eurent l’idée d’aller en demander à Beethoven, qui aussi bien ne pouvait manquer d’avoir un opéra en train, depuis le succès de la reprise de Fidelio.
Beethoven n’avait pas alors d’opéra en train ; mais il était tout à sa neuvième Symphonie. Ce glorieux travail lui avait rendu, pour quelques mois, une gaîté et un entrain de jeune homme. Schindler, son élève, qui vivait avec lui, nous raconte que jamais, avant ni après, il ne l’a vu si heureux. Il est vrai que ce fut son dernier moment de bonheur, car dès l’année (suivante il se plaignait à Rœchlitz d’avoir à jamais perdu tout courage au travail : « Je reste là assis, et je songe, et je songe, disait-il ; mais ce que j’ai dans la tête ne veut pas sortir pour se mettre sur le papier, et je crois que je ne me déciderai plus à rien entreprendre d’important. »
La société des deux jeunes amies paraît du moins l’avoir toujours diverti. De 1822 à 1824, il a entretenu avec elles de fréquentes relations ; et l’auteur de cet article des Westermann’s Monatshefte, M. Kalischer, a