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Le noble lord qui a été l’hôte de nos officiers au Tonkin s’est même oublié jusqu’à les qualifier de « flibustiers ». Il nous semble pourtant bien difficile de prouver que c’est nous, si longtemps indifférens à nos intérêts dans l’Indo-Chine, qui ayons armé les mains des meurtriers de F. Garnier, de Henri Rivière et de tant d’autres héroïques soldats. À l’opposé de ce qu’avance M. Colquhoun, c’est l’empire anglais des Indes qui, sous les plus futiles prétextes, a successivement dépossédé un nombre infini de rajahs, couronnant son œuvre d’absorption par la déposition d’un roi. Quant au Siam, il suffit de tracer un abrégé de son histoire, pour montrer sur quels droits illusoires reposent ses essais de domination dans certaines provinces annamites et cambodgiennes.


IV.

C’est depuis le commencement de ce siècle que les rois du Siam ont cherché à gouverner dans la vallée du Mékong. Avant 1800, ils s’étaient contentés des terres arrosées par le Ménam, un fleuve bien à eux, celui-là, et s’ils en avaient franchi les limites, c’était pour enlever à la Birmanie la région qui s’arrête au golfe de Bengale. Pendant près de six cents ans, les rois d’Ava et du Siam furent en lutte, et, au moment où Louis XIV envoyait à Ayoutia, nom de l’ancienne capitale des Siamois, des jésuites, des soldats, et, en qualité d’ambassadeur, l’étonnant chevalier de Chaumont, les Siamois possédaient les provinces de Martaban et de Tenassérim. Les Birmans les leur reprirent, mais pour retomber au cours de ce siècle aux mains des Anglais. Le Siam, délivré à l’ouest de ses belliqueux voisins, c’est-à-dire des Birmans, fit volte-face, et ne songea plus qu’à s’étendre au nord, aux dépens du royaume de Laos, et, à l’est, dans le Cambodge. Le Laos a eu son moment de splendeur, d’une splendeur toutefois moins éclatante que celle du Cambodge, où brilla l’art kmer, et où les ruines d’Angcor témoignent, sous le linceul de verdure qui les enveloppe, d’une civilisation peu commune.

Vers 1650, la domination du Laos s’étendait souveraine de Bassac sur le Mékong, jusqu’à Xieng-Sen sur ce même fleuve, Vien Chang, sa capitale, était tellement renommée au loin par sa richesse, qu’elle reçut la visite de Hollandais désireux d’entamer avec elle des rapports commerciaux. Il n’est pas sans intérêt de noter que ces personnages mirent soixante-dix-sept jours pour remonter le Mékong depuis la frontière du Cambodge jusqu’à Vien-Chang, Non moins intéressant est l’accueil que leur fit le roi de Laos, un roi réputé barbare, car la réception qu’en reçurent