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FOULES ET SECTES
AU POINT DE VUE CRIMINEL

Jusqu’à nos jours, pendant toute la durée, de cette crise d’individualisme qui, depuis le dernier siècle, a sévi partout, en politique et en économie politique comme en morale et en droit, comme en religion même, le délit passait pour ce qu’il y avait de plus essentiellement individuel au monde ; et, parmi les criminalistes, la notion du délit indivis, pour ainsi dire, s’était perdue, comme aussi bien, parmi les théologiens eux-mêmes, l’idée du péché collectif, sinon tout à fait celle du péché héréditaire. Quand les attentats de conspirateurs, quand les exploits d’une bande de brigands forçaient à reconnaîtra l’existence de crimes commis collectivement, on se hâtait de résoudre cette nébuleuse criminelle en délits individuels distincts dont elle était réputée n’être que la somme. Mais, à présent, la réaction sociologique ou socialiste contre cette grande illusion égocentrique, doit naturellement ramener l’attention sur le côté social des actes que l’individu s’attribue à tort. Aussi s’est-on occupé avec curiosité de la criminalité des sectes, — au sujet de laquelle rien n’égale en profondeur les travaux de M. Taine sur la psychologie des jacobins — Et, plus récemment, de la criminalité des foules. Ce sont là deux espèces très différentes d’un même genre, le délit de groupe ; et il ne sera pas inutile, ni inopportun, de les étudier ensemble.


I.

La difficulté n’est pas de trouver des crimes collectifs, mais de découvrir des crimes qui ne le soient pas, qui n’impliquent à aucun degré la complicité du milieu. C’est au point qu’on pourrait