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traîneaux qu’aux navires. À l’autre extrémité de l’empire slave, on étudie encore divers moyens de réunir la Mer-Noire à la Caspienne. Pour le coup, les deux mers ne sont pas au même niveau, et il y aurait là une difficulté à une jonction directe qu’il est peut-être sage de vouloir tourner. Lorsqu’il fait à Zaritzin le coude qui ramène son cours dans une direction presque perpendiculaire à la rive nord-ouest de la Caspienne, le Volga n’est distant du Don à vol d’oiseau que de 100 kilomètres environ. Franchir cette distance au moyen d’un canal à grande section, ce serait réunir les deux grands fleuves et par là même les mers où ils portent leurs eaux. Il faudrait, il est vrai, franchir, au moyen d’écluses successives[1], le col qui, à son point le plus bas, a encore 100 mètres au-dessus des vallées. À cette première difficulté s’en ajoutent d’autres résultant de la nature des terrains à excaver et de la configuration du sol. Il ne s’agit plus, il est vrai, de donner ici au canal des profondeurs de 7m, 50 ou de 8 mètres. Le Don, et après lui la mer d’Azov, dans laquelle il débouche, n’offre pas à la navigation un mouillage de plus de 4m, 75, Il serait sans utilité de donner davantage au canal de jonction. C’est une simplification. Néanmoins on a hésité jusqu’ici devant la dépense. Un autre projet, peut-être un peu moins coûteux, consisterait à emprunter les lits du Manitoch, affluent du Don, et de la Kouma qui se jette dans la Caspienne au nord du territoire du Terek, — en les élargissant et en les approfondissant, bien entendu, l’un et l’autre. Un canal facile à tracer dans les plateaux marécageux, aux altitudes douteuses, qui continuent vers Stavropol les ondulations des collines de l’Ergheni réunirait les deux rivières. On réaliserait ainsi la communication

  1. Les écluses ne sont pas les seuls dispositifs à l’aide desquels on puisse faire passer des bateaux ou des navires d’un niveau à un autre. Il y a encore les ascenseurs et les plans inclinés. Ces derniers n’ont encore été l’objet d’aucune application importante. Un spécimen, d’échelle réduite, intéressant cependant, fonctionne aux environs de Meaux. Il sert à l’échange entre l’Ourcq et la Marne de ces petits bateaux appelés flûtes de l’Ourcq, qui ne portent pas plus de 70 à 80 tonnes. Il y a, au contraire, quelques ascenseurs en service sur des canaux de navigation intérieure, notamment en Angleterre à Anderton, en Belgique à la Louvière et en France aux Fontinettes, près de Saint-Omer, sur le canal de Neufossé, jonction de la Lys avec le canal d’Aire à l’Aa. Ces appareils ne sont destinés à soulever que des péniches de 280 tonnes. Même réduits à cette utilisation relativement modeste, leur construction et leur fonctionnement présentent des difficultés graves dont la solution fait le plus grand honneur à leurs auteurs. On n’a pas pu faire cependant qu’ils ne soient des machines compliquées, plus délicates, plus exposées à des interruptions de service que les écluses, dont la qualité essentielle est la simplicité. — Quant à des ascenseurs pouvant soulever des bâtimens de mer de 3 ou 4 000 tonnes et plus, il ne semble pas possible, quelques merveilleuses ressources dont dispose aujourd’hui l’industrie mécanique, qu’on puisse en tenter la construction. M. Boyer, qui a été pendant quelques mois directeur des travaux de Panama, y avait cependant songé, dit-on, pour franchir la Culebra. La mort prématurée de cet ingénieur distingué ne permet pas d’affirmer que ce fût là chez lui autre chose qu’une de ces idées séduisantes mais fugitives qui se dissipent à la première réflexion.