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fallu de leur part une nouvelle contribution de 30 millions. Il semble qu’avec ce dernier secours l’entreprise arrivera à ses fins, et que nous apprendrons prochainement l’inauguration du canal de Manchester. Ce sera le jour du triomphe pour ceux qui ont apporté à cette œuvre utile le concours de leur foi, de leur dévouement, de leur habileté. Ce sera aussi le début, il n’en faut point douter, d’une nouvelle ère d’activité productive dans cette région déjà si laborieuse, un nouveau moyen pour elle de maintenir et d’augmenter la suprématie commerciale dont elle jouit déjà dans le monde. Facilities beget Trade.


IV

Le canal de Manchester est un exemple qui, comme celui de Suez, a sa contagion. Dès 1883, au moment où, pour la première fois, le Ship-Canal comparaissait devant le Parlement, sir Édouard Watkin le prédisait à la Chambre des communes : « Le canal, disait-il, ouvrira en Angleterre l’ère des grands canaux maritimes. » Les conditions dans lesquelles se trouve Manchester, au point de vue des transports, se retrouvent dans la plupart des grandes cités manufacturières de la Grande-Bretagne. Les chemins de fer, qui leur imposent des tarifs qu’elles estiment onéreux, ont su, pour éviter toute importune concurrence, se rendre maîtres des canaux de navigation intérieure. Mais en même temps, grâce à l’heureuse configuration de l’île, aucune de ces cités n’est très distante de la mer, et, poussées par l’irrésistible nécessité de diminuer leurs prix de revient, elles tendent à s’en rapprocher[1]. Un acte du Parlement en date de 1889 autorise un groupe d’industriels de Sheffield à acquérir trois canaux qui depuis plus de quarante ans ont été aux mains des compagnies de chemins de fer. C’est la seule voie navigable que possède Sheffield pour accéder à la mer. On projette de l’approfondir et de l’améliorer de façon à livrer passage à des navires de mer, qui pénétreront ainsi jusqu’à près de 100 kilomètres à l’intérieur. Birmingham songe à se réunir par des canaux à large section, d’un côté au port de Bristol, de l’autre à celui de Liverpool. La puissance industrielle de ces grandes villes, la facilité relative d’exécution, et la nécessité, en diminuant les frais de transports, de réduire les prix de revient, justifient de semblables projets. Ceux qui consisteraient à traverser la grande île britannique

  1. « There had been a constant complaint in this country during recent years, that commerce and trade were being gradually attracted to the coast, and that the inland towns were keeping up their manufactures under great difficulties. » (Closing adress delivered to the Congress of inland Navigation held in Manchester on July 1890 — by the Righ. Hon. lord Balfour of Burleigh.)