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LA

RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE


ET LE RAPPORT DE M. GRÉARD




De ce rapport j’espère qu’on peut enfin parler avec calme. Depuis trois mois, les brochures, les articles de journaux ne cessent de se succéder. Si l’intention du rapporteur était de ranimer une discussion qui paraissait près de s’éteindre, de remettre en présence des adversaires qui se retiraient peu à peu de la lutte, on doit avouer qu’il a réussi, peut-être même au delà de son désir. Il est vrai que, par elle-même, cette note ne tranche aucune question ; elle se contente de soulever des doutes, de poser des interrogations. Mais cela a suffi : il n’en a pas fallu plus pour que la querelle orthographique reprît de plus belle.

Il y a toutefois, ce semble, un changement dans la situation. Jusqu’à présent l’opinion penchait du côté des réformateurs : on éprouvait un certain plaisir à mettre l’Académie en demeure ; on lui mettait sous les yeux les erreurs et les contradictions qu’elle avait pu laisser échapper ; on prenait en pitié ceux qui pâlissaient sur les mystères de l’orthographe. Mais soudain les choses ont changé de face. Depuis qu’il a appris que l’Académie est officiellement saisie de la question et que la réforme est sérieusement à l’étude, le public commence à regarder du côté du Palais Mazarin avec un sentiment de malaise. Que va-t-il sortir de ces délibérations ? Devrons-nous retourner à l’école ?… L’orthographe, outre qu’elle est le bien commun de la nation, est un peu la propriété de chacun. On s’est assez donné de peine pour avoir le droit de la défendre. De là ces lettres venant un peu de partout