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Ce qui fait l’originalité de cette alliance nouvelle, ce qui mécontente aussi certaines personnes, désireuses de la voir sortir de ce qu’elles nomment « la phase des toasts et des accolades, » et impatientes de « fiançailles assez prolongées » pour qu’il soit temps à leur gré de signer le contrat, c’est qu’en effet il n’y a vraisemblablement pas de contrat écrit. Et pourquoi y en aurait-il un ? Cette « marche parallèle et non concertée, » ainsi que l’appelait un homme d’État, n’a-t-elle pas, dans son caractère tout moderne, avec la liberté réciproque qu’elle suppose, une sincérité tout aussi grande ? Ne contient-elle pas une garantie tout aussi forte ? Point n’est besoin d’être bien sceptique pour convenir que les parchemins, en matière pareille, obligent à bien peu de chose ; que chacune des parties interprète à sa guise, au jour de l’exécution, les clauses qui la lient. Les arrangemens internationaux à longue échéance, fussent-ils scellés et authentiqués par plusieurs chancelleries, n’ayant jamais engagé les contractans que dans la mesure où ils estimaient y avoir avantage, il est plus simple, tout aussi sûr et tout aussi digne de s’en tenir à l’échange d’une parole.

Il en est des traités comme des constitutions, ceux qui sont écrits ne sont pas les plus durables. Il est plus malaisé de détruire la moindre tradition que de remanier une loi tout entière. Le ministère espagnol a pu s’en apercevoir cet été par les diverses tentatives de troubles, auxquelles les réformes de M. Sagasta ont servi de prétexte, et par l’appui plus ou moins actif que les fauteurs de désordres ont trouvé parmi les populations basques, intéressées au maintien d’abus respectables par leur antiquité.

Les provinces d’Alava, Guipuzcoa, Biscaye et Navarre, composant le pays basque, continuaient à jouir, depuis le moyen âge, de privilèges ou fueros que les Cortès, en 1839, après la première guerre civile, avaient consacrés. Dans les premières années du règne d’Alphonse XII, en 1876, ces fueros, comportant l’exemption de l’impôt personnel, du papier timbré, la liberté du commerce des tabacs, furent abolis. Les Basques protestèrent avec chaleur et obtinrent un délai de dix ans pour arriver à l’application totale des lois du royaume. En 1886, nouvelles menaces, nouveaux apprêts de guerre de la part des Basques. Il s’ensuivit une décision royale maintenant, pour un temps indéterminé, le régime exceptionnel de 1876. M. Gamazo ayant dû appliquer ses réformes à tous les Espagnols, sans exception, les manifestations ont aussitôt commencé sous le chêne séculaire de la petite ville de Guernica, — Guernicao Arbola, — qui symbolise toutes les libertés de la contrée et sous lequel se réunit encore l’assemblée provinciale.

La Navarre et l’Alava étaient particulièrement irritées de la suppression de leurs capitaineries générales, transférées à Burgos, chef-lieu du 6e corps. Pour le même motif, des attroupemens tumultueux se