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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 octobre.

La France et la Russie renouvellent sur la Méditerranée, au lendemain de nos élections législatives, le témoignage de mutuelle sympathie qu’elles s’étaient donné, il y a deux ans, dans le golfe de Finlande. La visite faite à Cronstadt, par l’escadre française, est rendue à Toulon par l’escadre russe, et l’amiral Avellan, débarqué d’hier sur notre sol, partira demain, à la tête d’un nombreux état-major pour Paris où l’attendent des fêtes brillantes, organisées non-seulement par les pouvoirs officiels, mais aussi par l’initiative privée.

Pendant que nos compatriotes, sans distinction de classe ou d’opinion, prendront part, en personne ou en esprit, aux banquets, aux carrousels et aux feux d’artifice, aux bals, aux concerts et aux représentations de gala, dont se composera cette réception vraiment affectueuse, offerte par le peuple le plus libre du continent aux représentans de l’empire le plus vaste de la chrétienté, la diplomatie européenne, les yeux fixés sur notre capitale, assiste avec des sentimens divers à cette nouvelle manifestation de l’entente franco-russe. Elle a longtemps refusé d’y croire ; ne pouvant nier l’évidence, ceux dont les calculs étaient dérangés par cette union continuaient à se bercer du moins de l’espoir qu’elle serait peu solide et sans lendemain. Leur déception présente excuse, elle explique leur aigreur.

Aussi bien a-t-elle été laborieuse et lente à se former, cette alliance des Gaulois et des Slaves ; il a fallu, pour la mener à terme, une série d’événemens que nul, parmi les hommes d’État qui la souhaitèrent depuis un siècle, sur les bords de la Seine comme sur ceux de la Neva, n’aurait pu imaginer. « Une fatalité pèse sur nos relations avec la France, disait un rapport officiel signé d’un conseiller du tsar, dans les dernières années du règne de Napoléon III. Sous Louis XIV et Louis XV, ce pays affectait de nous ignorer et de nous dédaigner. Sous la