un vieux moine, je crois encore au démon et à sa malice. Mais priez Dieu qu’il vous accorde la vigilance nécessaire pour un avenir prochain. Je vous rends votre élève. Que Pia cesse de souffrir. Il reviendra pour les fêtes de la Pentecôte. Je les confie de nouveau tous deux, non plus à votre charité seule, mais aussi à votre austérité.
L’évêque remonta d’un pas victorieux dans sa tour. Pia devina, à l’air heureux de son visage, qu’il avait triomphé des scrupules du pape et, bien que l’abbesse fût présente, sauta au cou de son père spirituel.
On entrait, en ce moment, dans la semaine sainte. Joachim compta les jours allant jusqu’à la Pentecôte.
— Il est fâcheux, dit-il, que les langues de feu ne soient pas descendues sur le front des apôtres dès le lendemain de la résurrection, et que la Pentecôte ne tombe pas au dimanche de Quasimodo.
L’abbesse, scandalisée, fit le signe de la croix.
— Plus fâcheux encore, murmura-t-elle, que ces langues ne descendent plus sur la tête de certains évêques !
— Amen ! ajouta Joachim, qui avait entendu.
Un caprice de la grande comtesse retarda cependant encore de quelques jours le voyage du jeune baron. Elle voulut qu’il figurât aux tournois célébrés à Lucques, à Pistoja et à Pise, par la noblesse de Toscane. Victorien, aussitôt libre, prit, en doublant les étapes, la route de Rome. Le 29 juin, vers midi, il traversait, suivi de deux écuyers, le pont fortifié de la route de Florence, en vue de la porte du Peuple.
Cette région du Tibre, que le Poussin a préférée à tout autre, est d’une beauté sauvage. Le fleuve, profondément encaissé entre des rives sablonneuses, couvertes de saules, trace, à cet endroit, une courbe immense qui va des collines de l’Acqua acetosa aux hauteurs boisées de la villa Madame. Un épais rideau de grands roseaux et le rempart de rochers revêtus de verdure qui se prolonge jusqu’à la villa Borghèse cachaient alors la vue de Rome. À l’orient, le cirque des montagnes nues de la Sabine, d’un azur clair, entremêlé de larges taches fauves, montagnes désolées où, çà et là, quelques points blancs, un groupe de masures, la figure vague d’un monastère, révèlent seuls la présence de l’homme.
C’était la fête des saints Pierre et Paul. Le pape célébrait la messe dans la basilique de Saint-Paul-hors-les-murs, au côté opposé de la ville. Rome entière s’était portée sur le chemin du cortège pontifical. Pas un pâtre ne cheminait dans le silence de la voie Flaminienne. À l’ombre de la tour dressée en tête du pont,