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marché, le petit-lait qui reste dans la baratte sert à la nourriture du porc, et quand le veau arrive, c’est encore une aubaine. Cette année, le clos était brûlé par le soleil, il n’y a pas d’herbe sur les chemins, le fenil est vide, il a fallu conduire la vache au marché, la vendre à vil prix, car les voisins ont aussi amené la leur et les acheteurs sont rares. On reviendra au logis le cœur gros, car il faudra se priver toute l’année pour remplacer, au printemps prochain, la bête que la sécheresse a forcé de sacrifier.

Pour les grandes exploitations, le dommage n’est pas moindre, on a surtout vendu les jeunes animaux d’élevage, dont le prix va se relever aussitôt que les fourrages seront devenus abondans ; on aura moins de fumier cet hiver, et les récoltes de l’an prochain s’en ressentiront ; tout s’enchaîne, la détresse de cette année exercera encore l’an prochain ses funestes effets.

Les départemens du nord ont été moins atteints que ceux du centre ; en effet, la betterave y est en honneur, et tous les cultivateurs qui amènent des racines aux sucreries y chargent des pulpes, c’est-à-dire les fragmens de la betterave épuisés de sucre, mais contenant encore des matières azotées, de la cellulose, et constituant un aliment qui se conserve aisément en silo pendant toute l’année, et dans nombre de fermes on avait des réserves qui ont compensé la disette du fourrage.


IV

Tandis qu’au printemps les prairies jaunies, brûlées, ne donnaient que des récoltes misérables, les champs de blé voisins restaient verts ; sans doute la sécheresse retardait le développement de la paille, mais en juin l’épiage se faisait bien. Au champ d’expériences de l’école de Grignon, il avait été impossible de faucher les prairies, tandis que le blé s’était maintenu ; bientôt cependant s’accusèrent de sérieuses différences.

Le champ d’expériences comporte, outre un grand nombre de parcelles en pleine terre, des cases de végétation ; ce sont des fosses carrées, en ciment imperméable, de deux mètres de côté et d’un mètre de hauteur ; elles sont remplies de bonne terre meuble ; chaque case en renferme quatre mètres cubes, cinq tonnes environ ; or, tandis qu’en pleine terre le blé continuait à prospérer, dès le milieu de juin, le blé des cases commença à jaunir du pied, il mûrit hâtivement ; à la moisson, on recueillit, en calculant à l’hectare, 18 hectolitres de grain dans les cases et 31 en pleine terre.

À quelles causes attribuer ces différences ? Comment se fait-il