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bonne ; si, au contraire, la dessiccation est très rapide, que le blé s’échaude, la migration de ces principes est arrêtée, les grains restent vides, le rendement est faible ou nul.

Quand la sécheresse s’attaque à la prairie, très vite la partie aérienne se flétrit, les champs sont comme brûlés ; mais la racine reste vivante, et, aussitôt que la pluie arrive, tout reverdit. C’est là ce qu’on observe également au premier printemps, dans une année normale ; quand mars et avril sont doux et pluvieux, les graminées, qui forment la majeure partie de la flore des prairies permanentes, évoluent rapidement. En mai, la prairie est déjà haute ; on fauche en juin, on étale l’herbe coupée, on la retourne, on la sèche ; c’est la réserve de foin qui nourrira le bétail pendant l’hiver.

On attendait, cette année, ces récoltes printanières avec d’autant plus d’impatience que les réserves de l’année dernière étaient très faibles ; les graminées des prairies qui avaient commencé à évoluer pendant les journées chaudes et pluvieuses de février ont été arrêtées par la sécheresse presque absolue de mars et d’avril ; les prés ont jauni, séché. Sur la plus grande partie du territoire la récolte de foin a manqué.

Elle n’est pas le cinquième de la production moyenne dans l’Orne, pays essentiellement herbager ; dans la Côte-d’Or, la récolte du foin à la fin d’avril paraissait diminuée des trois quarts, mais la pluie de mai est insuffisante pour rendre à la prairie sa vigueur et au 1er juin la récolte n’est plus que le vingtième d’une année moyenne ; dans Saône-et-Loire, la première récolte de foin a presque totalement manqué ; les meilleurs prés du Charolais, brûlés par le soleil, semblaient ne devoir plus reverdir ; deux hectares et demi d’excellente prairie donnant, année moyenne, de 18 à 20 tonnes de foin, en fournissent 750 kilos. Dans la Haute-Saône, la récolte est nulle ; sur le plateau de la Beauce, même pénurie de fourrages ; dans le Loiret, c’est à peine si on récolte le cinquième du foin produit habituellement ; dans le Puy-de Dôme, la montagne n’a porté que le quart de la récolte habituelle ; la Limagne seule, dont le sol profond, chargé d’humus, recèle à une faible profondeur une nappe d’eau, conserve assez d’humidité pour fournir une production moyenne.

Bien vite on avait renoncé presque partout à faire faucher les prairies ; on y avait conduit les animaux pour utiliser les faibles pousses qui apparaissaient çà et là ; elles étaient sur nombre de points tout à fait insuffisantes ; dans Saône-et-Loire, où les animaux sont abandonnés dans les prés pourvus de clôtures, on trouve des bœufs morts de faim. On fait des autopsies, les estomacs sont remplis de terre, les animaux avaient essayé de pâturer les racines…