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encore de ce que votre présence reporte ma pensée sur l’armée tout entière, et rappelle des événemens récemment accomplis. Ils ajoutent, en effet, aux titres de reconnaissance envers l’armée qui a sauvé la France et l’Europe des excès funestes et sanguinaires tramés par les hommes d’anarchie. » Peu s’en est fallu que la cour de Rome ne fût la première à reconnaître l’empire. Un retard accidentel dans l’expédition des lettres officielles de notification fat seul cause qu’elle se laissât devancer. Mais elle devait, quelques années plus tard, conférer au nouvel empereur une faveur insigne et peu connue. C’était un usage du rite parisien que le nom du roi figurât au canon de la messe après ceux du pape et de l’évêque. Mais Rome n’avait jamais approuvé cet usage et s’était contentée de fermer les yeux. Sur la demande de l’ambassadeur de France à Rome (en ce temps-là, c’était par l’intermédiaire de l’ambassadeur à Rome, et non par celui du nonce à Paris, que se négociaient les affaires ecclésiastiques), la congrégation des rites rendit un décret consacrant cet usage. C’était conférer à Napoléon III un privilège qui, jusque-là, avait été refusé aux rois de France et qui était demeuré exclusivement celui des empereurs d’Occident, rois des Romains. C’était donc le consacrer légitime successeur des Charlemagne et des Othon. Les évêques ne s’y trompèrent pas, et, sauf quelques exceptions, redoublèrent d’ardeur dans leur dévoûment. Ceci se passait deux ans avant la guerre d’Italie.

« Je n’avais pas compris l’Église saluant successivement tous les vainqueurs, » écrivait Lacordaire à une femme qui était digne de comprendre la fierté de ses sent.imens. La correspondance des dernières années de sa vie est pleine d’aussi fiers accens. Mais à ces cris mal étouflés devait se borner sa protestation. La chaire même, par la force des choses, allait lui être fermée. Il refusa de reprendre ses conférences de Notre-Dame, malgré les instances de Mgr Sibour. « Je compris, a-t-il écrit plus tard, que dans ma pensée, dans mon langage, dans mon passé, moi aussi, j’étais une liberté, et que je n’avais qu’à disparaître avec les autres. »

Paris, qui avait été jusque-là le principal théâtre de ses prédications, devait cependant l’entendre encore une fois. Ce fut à Saint-Roch, dans cette même église où, vingt ans auparavant, son premier essai avait fait dire à ses amis qu’il ne serait jamais un prédicateur. Il avait accepté d’y prêcher un sermon en faveur des écoles chrétiennes libres. Avait-il craint que son silence ne parût un acquiescement ? Voulut-il simplement, dans un temps où M. Guizot avait pu dire : « La servilité est plus grande que la servitude, » donner l’exemple de la fierté ? Quoi qu’il en soit, il choisit comme texte de son sermon ces mots de la Bible : Esto vir,